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Trouver sa place dans la relation de soin, un numéro d'équilibriste pour l'entourage

Avec l'aggravation de la maladie, toute une équipe de professionnels va être progressivement mise en place pour venir aider la personne malade et son entourage dans les actes du quotidien : auxiliaires de vie, aides-soignants, ergothérapeutes, infirmiers, kinésithérapeutes, etc. Autant d'interlocuteurs avec lesquels l'entourage va devoir composer, tant en ce qui concerne l'adaptation à des horaires imposés, que l'intrusion dans l'intimité du domicile ou encore le réaménagement d'un lieu de vie devenu source d'insécurité.

Par: Cédric Bornes, Médecin généraliste, Paris /

Publié le : 28 Juillet 2014

Il est très important de pouvoir compter sur son entourage quand on souffre d'une pathologie chronique ou grave, et particulièrement lorsque s'installe une perte d'autonomie comme c'est le cas pour la maladie d'Alzheimer. Ce soutien devient alors vite indispensable, s'organisant le plus souvent autour du conjoint ou autour d'un enfant. C'est l'aidant principal. En général, cette désignation se fait de façon quasi automatique au risque de mettre à mal un équilibre familial fragile. En effet, une désignation qui s'inscrit comme une évidence, parce que l'on est la seule fille de la fratrie, ou comme un sentiment de dette que l'on doit rembourser à une personne chère, pourrait être vécue comme une contrainte difficile à assumer. De même, si cette désignation est la conséquence d'une relation trop fusionnelle, l'aidant peut perdre le recul nécessaire pour éviter la survenue de l'épuisement.
Le choix de l'aidant principal peut donc s’avérer, dès le départ, une situation à risque. Il sera donc préférable qu’il se fasse dans le cadre d'un échange collégial et au terme d'une stratégie établie. Ainsi, comme dans une armée en ordre de bataille, l'aidant principal sera en première ligne, mais pourra toujours compter sur le soutien de l'arrière-ban.
Avec l'aggravation de la maladie, toute une équipe de professionnels va être progressivement mise en place pour venir aider la personne malade et son entourage dans les actes du quotidien : auxiliaires de vie, aides-soignants, ergothérapeutes, infirmiers, kinésithérapeutes, etc. Autant d'interlocuteurs avec lesquels l'entourage va devoir composer, tant en ce qui concerne l'adaptation à des horaires imposés, que l'intrusion dans l'intimité du domicile ou encore le réaménagement d'un lieu de vie devenu source d'insécurité. Pris entre le feu du soignant et de la personne malade, l'aidant essuiera parfois refus, colère ou incompréhension. Aussi, pour éviter les conflits et garantir une prise en charge de qualité, est-il nécessaire que les professionnels de santé évoluant au domicile bénéficient d'une solide formation leur permettant de créer les conditions d'une relation de confiance avec l'entourage. Le médecin traitant, clef de voûte de la prise en charge au domicile, aura lui aussi tout son rôle à jouer dans l'instauration de cette alliance thérapeutique propice à une relation harmonieuse et équilibrée.
 
La concertation intrafamiliale et la mise en place d'un réseau de professionnels compétents ne suffisent malheureusement pas à garantir la réussite du maintien au domicile. L'usure du quotidien et la répétition des situations de crise va finir par altérer la qualité de vie de l'aidant (troubles du sommeil, diminution des loisirs, etc.), voire conduire à un véritable état dépressif. L'aidant doit donc réussir à trouver un juste équilibre entre son investissement au côté de son proche et la préservation de sa santé au risque de ne plus être en mesure de mobiliser les ressources nécessaires.
Il existe pour cela différentes solutions de répit et d'aide : les accueils de jour thérapeutiques, les groupes de paroles, l'organisation de formations spécifiques, les vacances organisées... Ainsi, quand la situation devient instable, avec un risque de maltraitance dans les cas les plus extrêmes, il faudra savoir activer les bons leviers pour diminuer la pression et éviter le burn-out.
 
Il existe deux sortes d'équilibre. L'équilibre stable qui, lorsque l'on s'en éloigne, nous ramène vers l'état initial, et l'équilibre instable dont tout écart provoque une chute irrémédiable.
Si, comme nous l'avons vu, la situation de l'aidant peut être comparée à celle d'un véritable acrobate, toutes les conditions devront être mises en œuvre pour que cet état d'équilibre soit stable. Pour y parvenir, il faudra savoir mobilier les ressources familiales, mais aussi pouvoir compter sur le ressort de professionnels aguerris. Enfin, le cas échéant, être capable de solliciter des solutions de répit sans lesquelles le moindre imprévu expose à l'inconnu, en particulier au risque d'un échec du maintien au domicile.

Dans ce dossier

Maladie d'Alzheimer et apparentées : Réflexions croisées