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Éthique médicale et médecine générale : une synergie

"Le développement de l’éthique médicale, comme la réforme du médecin traitant ont contribué à faire évoluer et améliorer la qualité des soins en médecine générale, qui repose néanmoins toujours en 2014 sur une rencontre entre deux personnes dans le contexte d’une relation de confiance, de respect et d’écoute, favorable à une décision médicale partagée."

Par: Marie-Laure Alby, Médecin généraliste, Paris /

Publié le : 11 Février 2014

Texte rédigé à la suite d'un entretien avec Nicole Alby, psychologue clinicienne des hôpitaux, Paris.

L’exercice  de la médecine générale s’effectue dans un cadre à la fois réglementaire - c’est le code de déontologie médicale - mais également moral et scientifique. Comment l’éthique médicale ainsi définie,  guide-t-elle le travail du médecin généraliste en 2014 ?
 
 

1. Le choix du médecin traitant

La loi de réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004 instaure un nouveau dispositif reposant sur le choix par chaque assuré ou ayant droit de 16 ans ou plus d'un médecin traitant, autour duquel les partenaires conventionnels mettent en place le parcours de soins coordonnés. Le patient est incité à consulter en première intention son médecin traitant qui le conseillera selon sa situation et l'orientera, en tant que de besoin et avec son accord, vers un autre praticien : le médecin correspondant, qu'il choisit librement.
Dans tous les cas, le praticien s'engage, à situation médicale comparable, à assurer des délais de prise en charge médicale identiques entre patients.
Le médecin traitant assure  le premier niveau de recours aux soins et oriente le patient dans le parcours de soins coordonnés, mais il doit aussi assurer les soins de prévention (dépistage, éducation sanitaire, etc.) et contribuer à la promotion de la santé. Il contribue au protocole des soins de longue durée, en concertation avec les autres professionnels. Il favorise la coordination par la synthèse des informations transmises par les différents intervenants.  
Cette « déclaration du médecin traitant » constitue un engagement réciproque : à la demande du patient le médecin généraliste accepte de devenir son médecin traitant, le patient le choisit comme premier recours dans le système de santé. La déclaration  est signée par le patient et le médecin. Ce choix du médecin a fait évoluer la relation médecin généraliste/patient, créant de nouvelles responsabilités mais  aussi la nécessité d’un nouveau dialogue. Il pose bien le rôle du médecin généraliste dans le champ de l’éthique médicale : compétence, disponibilité, confidentialité, moyens appropriés à l’état du patient, mais aussi information, dialogue, juste soin, dignité, transparence, consentement éclairé,  et libre choix.
 
 

2. Parcours de soins et coordination

Ainsi le médecin traitant, quasiment toujours un médecin généraliste, construit le parcours de soins coordonné du patient : quand une maladie apparaît qui nécessite explorations et décisions thérapeutiques, il est aux côtés du patient pour lui expliquer le cheminement, puis le diagnostic établi, les options thérapeutiques, cela en lien avec ses correspondants. Il aide le patient à s’approprier les informations afin qu’il puisse participer à la décision. C’est la relation construite au fil du temps, la connaissance de l’environnement, de sa psychologie qui favorisent la compréhension de la situation par le patient et ainsi à participer selon ses besoins et sa demande aux décisions nécessaires.
C’est bien le médecin traitant qui oriente le patient dans les filières de soins de qualité, et l’aide au « juste soin ». C'est-à-dire à bénéficier du meilleur  diagnostic et traitement selon les données actuelles de la science, tout en dialoguant avec le patient sur le choix, l’acceptabilité  du dit traitement et ses effets possibles.
L’orientation et le suivi du patient supposent d’établir régulièrement une synthèse et de recueillir les réponses des correspondants, travail de plus en plus complexe mais passionnant. Les compte rendus et courriers échangés ont un contenu de  plus en plus riches en informations,  en propositions stratégiques qui reflètent bien l’accroissement des ressources thérapeutiques.
 
 

3. Tout au long de la vie

Le patient consulte régulièrement son médecin qui accompagne ainsi les évènements de vie, soigne les affections intercurrentes,  les accidents, met en œuvre dépistage, prévention et promotion de  la santé.
Le suivi des maladies chroniques relève bien sûr de la construction du parcours de soins mais également  d’un accompagnement spécifique pour que la patient accepte un suivi et un traitement prolongés sans oublier souvent une modification des habitudes de vie, et  devienne ainsi « acteur »  de sa santé. Le partage avec le patient d’informations mais aussi d’éléments de savoirs portant sur sa maladie constitue un facteur de qualité des soins mais  suppose aussi de la part du médecin généraliste une évolution de sa pratique.
 
 

4. Les patients « vulnérables » quel consentement ?

La prise en charge de ces patients dont le jugement et/où les fonctions supérieures sont amoindris sans être abolis, ou alors qui sont mal adaptés aux conditions de vie actuelles pose un problème difficile. Par exemple les personnes vivant  en EPHAD, certains malades mentaux ou des personnes en perte d’autonomie sont souvent privés de leur liberté de choix pour des raisons diverses. Le médecin traitant est souvent confronté à un dilemme entre les choix de ces personnes et la volonté de bien faire de l’entourage ou de l’institution. Comment accompagner les soins dans ce cas ?
 
 

5. La fin de vie

Accompagner et soigner jusqu’au bout de la vie, est aussi le lot du médecin généraliste. C’est un moment d’émotion pour le médecin aussi, d’autant plus  lorsqu’il suit la personne depuis longtemps. Mais son rôle est de savoir soulager douleur et anxiété, à la fois avec les moyens thérapeutique et la capacité de dialogue avec le patient, son entourage et l’équipe de soins autour du patient.
Nous disposons de  moyens : réseaux, services de soins palliatifs, concertation avec les collègues, éthique clinique... Mais demeure un face à face avec une personne qui va mourir et souffre,  un moment difficile qui nécessite une grande disponibilité. Dans ce contexte, la réflexion éthique et les échanges entre collègues s’avèrent essentiels. La loi relative aux droits des malades et à la fin de vie qui incite les professionnels à se concerter en cas de décision difficile constitue à cet égard un grand progrès.
Face à une maladie grave il est important de demander au patient, quand il le peut, de désigner une personne de confiance capable de parler en son nom si plus tard il ne parvenait plus à s’exprimer.  Cette possibilité ouverte par la loi représente également une amélioration importante, notamment pour des patients  en fin de vie ou atteints de troubles cognitifs.
 
Le développement de l’éthique médicale, comme la réforme du médecin traitant ont contribué à faire évoluer et améliorer la qualité des soins en médecine générale, qui repose néanmoins toujours en 2014 sur une rencontre entre deux personnes  dans le contexte d’une relation de confiance, de respect  et d’écoute, favorable à une décision médicale partagée.