-
Revue de presse
Actualité de la recherche en éthique
Notre sélection des publications en bioéthique et en éthique du soin
-
Réseau
Cartographie des structures d'Île-de-France
Un recensement des démarches pour permettre une mise en réseau
-
Fin de vie
Hors-série des Cahier : S’approprier les enjeux d’un débat
Un cahier spécial dans la perspective du débat national
-
Programme
Éthique, territoires et maladies neuro-évolutives
Pour des territoires plus attentifs aux personnes vivant avec une maladie neurologique évolutive
-
Diplôme universitaire
Éthique du numérique en santé
Une nouvelle formation pour comprendre l'impact des nouvelles technologies sur la pratique du soin
-
cahiers
Vulnérabilités psychiques - mobiliser la société contre l’exclusion
Enjeux épistémologiques, éthiques et politiques
-
Fin de vie
Un parcours de réflexion en six épisodes
Une lettre d'information thématique pour saisir les enjeux du débat
-
Formations
Se former à l'éthique médicale, de la recherche et du soin
DU, Master et doctorats : les formations du Département de recherche en éthique de l'Université Paris-Sud
-
checklist
Créer et animer une structure de réflexion éthique
Un aide-mémoire à destination des animateurs et porteurs de projet d'une structure de réflexion éthique
Actualité de l'Espace éthique
Hommage à l'écrivain Frédéric Badré
L'écrivain et peintre Frédéric Badré s'est éteint des suites d'une sclérose latérale amyotrophique le 5 avril.
Par: Espace éthique/IDF /
Publié le : 11 Avril 2016
L'auteur de La grande santé avait reçu le prix spécial "Éthique et réflexion" Pierre Simon 2016. À travers son discours, lu par son éditrice Elisabeth Samama, ainsi que le texte qu'il nous avait adressé lors de l'Université d'été Éthique, société et maladies neuro-dégénératives, l'Espace éthique souhaite lui rendre hommage et s'associe à lapeine de ses proches.
Photo d'illustration : A. Di Crollalanza
J’essaie d’ajuster ma tête et mon corps
Frédéric Badré
Mon corps et moi nous ne nous entendons plus. Je ne le reconnais plus. La maladie neuro-dégénérative qu’est la SLA a provoqué une sorte d’accélération dans le temps. Jour après jour toutes mes forces diminuent. Mon corps m’a projeté en un clin d’oeil hors la vie. Et ma tête, impuissante, assiste à ce phénomène désolant. On pourrait définir la santé comme un ajustement entre le corps et l’esprit. La maladie, comme un désajustement. Je ne reconnais que la voix de ma conscience. Elle s’exprime sans difficulté en mon for intérieur. Bien souvent, je l’entends me demander : comment est-ce possible ? L’expérience de la maladie neuro-dégénérative est pour moi une expérience de la dissociation entre ma tête et mon corps. Lui veut mourir. Elle, refuse.
Je suis devenu un fardeau pour mon entourage. Ma femme et mes enfants doivent s’occuper d’un boulet. Les difficultés d’élocution provoquent sans arrêt des tensions. Tout le monde s’énerve. Eux parce qu’ils ne comprennent pas ce que je demande. Et moi parce que j’ai l’impression d’être bâillonné, comme Papageno dans La Flûte Enchantée. Par dessus le marché, l’hyper salivation m’oblige souvent à m’exprimer au moyen de petits gémissements ridicules. Si j’ouvre la bouche en marchant, un flot de bave inonde mon cou. Ou alors, je l’avale de travers et me voilà secoué par d’interminables quintes de toux. Impossible de faire deux choses en même temps ! Cette situation est source de violence. Nous devons apprendre à maîtriser cette violence.
La privation de la parole m’a fait comprendre ce que parler veut dire. Eh bien parler signifie peut-être vivre en paix. Je vois la maladie neuro-dégénérative, en particulier la SLA, comme une monstruosité. Quelle peut bien être sa signification ? Que nous montre-t-elle ? On se dit parfois que le bonheur n’est pas gratuit. Et même l’instant extatique, par exemple devant un tableau magnifique, peut-être qu’on en paie le prix sans s’en douter. Le mystère demeure. Que penser dans ces conditions de la maladie ? J’avance pas à pas dans cette forêt obscure. J’aimerai comprendre. Job lui aussi voulait comprendre. Il ne percevait pas la cause de son malheur. Lui aussi se voyait injustement condamné. Nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter l’épreuve. Je chemine dans la maladie avec en tête des objectifs modestes. Ainsi, j’essaie d’ajuster ma tête et mon corps. En somme, c’est peut-être une bonne définition de la vie.