Nos sociétés contemporaines sont traversées par de fortes attentes de vigilance contre les formes, y compris bienveillantes, de prise de parole pour autrui, en particulier quand les groupes représentés sont considérées comme vulnérables ou vulnérabilisées – personnes en situation de précarité, personnes malades, personnes en situation de handicap notamment. La formule « rien sur nous sans nous » vise précisément à conjurer la menace d’une usurpation de la parole.

Toutefois, ce souci légitime peut devenir un impératif irréalisable, et sans doute dangereux quand il met en cause indistinctement toute prise de parole pour autrui. Nous parlons pour les autres, pour nos proches, nos voisins ou nos collègues, en de multiples occasions de la vie. Et que dire des syndicats, des associations d’usagers, de notre système de « représentation » politique ? Plus généralement du besoin, qui définit la politique, de dépasser la singularité des expériences et des discours ?

Il nous faut donc revenir sur ce que signifie « parler pour les autres » pour mieux situer les problèmes posés et leurs causes.

• Anne Fenoy, docteure en philosophie de la médecine (Université Jean Moulin Lyon III – IRPHIL), explorera les limites du témoignage individuel pour comprendre et transformer le réel, à partir de l’exemple de la maladie de Charcot.
• Élise Huchet, agrégée et docteure en philosophie, postdoctorante à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), reviendra sur les critiques adressées par Pierre Bourdieu à la "ventriloquie usurpatrice".

La discussion sera animée par Robin Michalon et Paul-Loup Weil-Dubuc, rédacteurs en chef de la Revue française d’éthique appliquée et membres de l’Espace éthique Île-de-France.