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Pour une éthique du moindre mal
Par: Jean-Pierre Couteron, Psychologue clinicien, Président de la Fédération Addiction /
Publié le : 30 Septembre 2013
La question éthique surgit à chaque évolution de la réduction des risques (RDR), échange de seringue, traitement de substitution, kit d’injection ou de sniffe, ou plus récemment la revendication d’ouverture de salles de consommation et les programme d’éducation à l’injection. Chaque initiative se voit reprocher de laisser les personnes en souffrance, d’abandonner l’idéal de liberté et d’autonomie d’un homme sans dépendance. En refusant de différencier « soigner l’addiction » et « prendre soin de l’usager», ces critiques ignorent l’intentionnalité d’une rencontre qui veut affirmer la permanence de la personne humaine, mêmes dans les situations de grande précarité.
Deux considérations peuvent aider à la penser. En premier, le respect de l’autonomie qui exige que toute personne capable de discernement quant à ses choix personnels soit traité dans le respect de cette faculté d’autodétermination. En second, la protection due aux personnes dont l’autonomie est restreinte ou limitée, qui impose que ces personnes dépendantes ou vulnérables soient protégées contre des atteintes ou abus.
Concernant la faculté d’autodétermination, il convient d’offrir l’accès le plus large et le plus diversifié aux soins, à l’exemple du « aller vers » de la RDR qui a été au cœur de ses réussites. Concernant la protection des personnes, c’est la capacité à proposer une aide utilisable qui prime. C’est dans une logique d’accompagnement que ces actions trouvent leur pleine efficacité, permettant à des personnes isolées par des modes d’usage particulièrement néfaste cette rencontre avec des soignants. Il s’agit de les accompagner en partant de là où ils en sont pour faire avec eux les pas qu’ils sont en état de faire. Imposer à un usager précaire une réponse thérapeutique qu’il n’aurait pas les moyens de tenir, c’est lui tendre une main qu’il ne peut saisir au risque de le faire rechuter encore plus lourdement. L’éthique de l’accompagnement invite bien à proposer une épreuve pour élever l’homme à sa dignité, mais elle demande d’adapter cette épreuve à la capacité de celui qui devra la franchir. C’est une éthique du moindre mal, du préférable. Pacifier le moment de la consommation, l’entourer d’une qualité relationnelle, d’une sécurité ouvre sur d’autres actes. Dans ces situations de grande détresse, il y a des règles, celle du non abandon, celle du non jugement.
Dans ces interventions, ce qui est commun, c’est la présence à l’autre, dans une demande qu’il n’est même plus en capacité de formuler mais qui est rendu possible à un moment donné.
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