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Position « Covid-19, Éthique, EHPAD »

Tirer les enseignements des premières vagues de l’épidémie pour bâtir de manière solidaire et concertée, une réponse prudente, évolutive, proportionnée et respectueuse des droits et des libertés des citoyens âgés

Par: Espace éthique/IDF /

Publié le : 23 Décembre 2021

Synthèse du document

Dans un contexte de reprise épidémique, et compte tenu des incertitudes liées au variant Omicron, la question se pose de savoir s’il est – ou s’il pourrait être nécessaire – de prendre, dans les établissements accueillant des personnes âgées, des mesures aussi restrictives que celles qui ont été mises en œuvre au début de l’épidémie.

Cette position de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France et de l’Espace national de réflexion éthique sur les maladies neuro-évolutives repose sur une large consultation et sur les apports d’un groupe de travail.

La question est difficile pour plusieurs raisons.
  • La situation sanitaire est très différente de ce qu’elle était au début de l’épidémie, les EHPAD ont pu être qualifiés d’« écosystème le mieux protégé de France », mais le contexte est en constante évolution, nécessitant une vigilance et une adaptabilité permanente.
  • S’ils comprennent la raison d’être des mesures d’isolement, beaucoup de professionnels vivent comme un crève-cœur de devoir les mettre en œuvre.
  • Les équipes et les directions sont confrontées à des réalités contrastées et à des injonctions qui peuvent paraître contradictoires. Même si elles continuent d’assurer leurs missions avec professionnalisme, elles sont épuisées physiquement et moralement.

D’un point de vue éthique, trois grands enjeux paraissent au premier plan.
  1. La particulière fragilité des personnes accueillies dans les établissements oblige à un surcroît d’attention et de sollicitude, en tenant compte de l’impact délétère des mesures d’isolement sur la santé des résidents : l’objectif devrait être donc être de « protéger sans isoler ».
  2. Quelle que soit la vulnérabilité des personnes accueillies, celles-ci sont titulaires de droits et demeurent des citoyens à part entière : même en contexte de crise, il convient de réduire le plus possible les contraintes et restrictions qui leur sont imposées ; de les informer et de les consulter ; et de ne pas leur imposer des contraintes qui ne s’imposent pas actuellement au reste de la population.
  3. Il importe de prendre soin de ceux qui prennent soin et de soutenir les équipes et les directions.

Deux travers majeurs paraissent devoir être évités :
- simplifier à outrance les enjeux éthiques de la situation ;
- stigmatiser certains acteurs (les équipes, les familles, les jeunes générations…).

Quatre notions paraissent ici pouvoir servir de repère :
- la balance bénéfices-risques : mettre en balance, pour chaque option, l’ensemble des risques et des bénéfices attendus, sans omettre les bénéfices ou les risques « indirects » ;
- la collégialité et la concertation : mutualiser les expériences et les expertises et permettre aux personnes directement concernées de participer autant que possible à la prise de décision ;
- la proportionnalité : l’intensité, la nature et la durée des mesures devraient être en rapport étroit avec les risques encourus et les bénéfices attendus ;
- l’individualisation : plutôt que de fixer une règle unique avec des dérogations, partir de ce qui compte le plus pour chaque personne, et bâtir une somme de dispositifs personnalisés.

D’un point de vue pratique, il importe de rappeler que c’est toujours en contexte, en situation, que les décisions doivent être prises ; que la situation épidémique est rapidement évolutive et qu’il est important de veiller à la santé de tous ceux qui font partie de l’écosystème des établissements.

Quatre points méritent une attention particulière : la poursuite de la visite en chambre des proches aidants, y compris pour les résidents positifs au Covid-19 ; l’importance des visites que rendent les bénévoles aux personnes socialement isolées ; l’importance, pour chacun de nous, du toucher, surtout dans un contexte de crise ; l’importance, pour beaucoup de personnes âgées, du contact avec leurs arrière-petits-enfants.
  • Conformément aux consignes actuellement applicables en population générale, cinq situations différentes devraient être distinguées (résidents positifs, cas contacts, autres résidents…). Dans toutes ces situations, il importe de tout faire pour préserver une vie familiale, une vie sociale et des moments de convivialité.
  • S’agissant des résidents qui souhaitent aller passer quelques jours en famille, sauf circonstances particulières, et à condition de prendre les précautions qui s’imposent, il ne paraît pas conforme aux dernières recommandations ministérielles d’imposer un isolement en chambre à leur retour dans l’établissement.

Ce n’est que par une solidarité renforcée que nous pourrons être résilients pour affronter dans la durée les défis de la crise sanitaire. Il importe donc de partager les pratiques qui permettent de concilier protection contre le virus, maintien des liens et respect des libertés.

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Le groupe de travail

Fabrice GZIL, philosophe, directeur adjoint de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France (coordination). Laurence AGUILA, directrice générale de l’association ISATIS. Aurélie AULAGNON, consultante en gérontologie. Magali ASSOR, chef de projet lutte contre les maltraitances, démarche de réflexion éthique, les petits frères des Pauvres. Florence BRAUD, aide-soignante en unité d’hébergement renforcée. Anne CARON DÉGLISE, magistrate à la Cour de cassation. Alice CASAGRANDE, présidente de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Kevin CHARRAS, psychologue, directeur du Living Lab Vieillissement et Vulnérabilités, CHU de Rennes. Aline CORVOL, gériatre, maître de conférences des universités, praticien hospitalier, CHU de Rennes. Laurent GARCIA, cadre de santé en EHPAD à Bagnolet. Pierre GOUABAULT, directeur des EHPAD de Bracieux, Cour-Cheverny et Contres. Ève GUILLAUME, directrice d’EHPAD à Saint-Ouen. Emmanuel HIRSCH, professeur d’éthique médicale, directeur de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France. Laure JOUATEL, gériatre, médecin référent chez LNA Santé. Séverine LABOUE, directrice du Groupe hospitalier Loos Haubourdin. Romy LASSERRE, directrice d’EHPAD à Paris. Claire LESIEUR, directrice d’EHPAD à Saint Cyr l’École. Sophie MOULIAS, gériatre, praticien hospitalier, présidente de l’Association Droits de l’Homme et Âge. Jean-Luc NOËL, psychologue clinicien, co-président du comité scientifique de l’association Old’Up. Catherine OLLIVET, fondatrice et vice-présidente de France Alzheimer 93. Matthieu PICCOLI, gériatre, praticien hospitalier. Virginie PONELLE, directrice adjointe de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France. Yann REBOULLEAU, président du groupe Philogeris. Laurence REYNES, co-fondatrice du collectif Cercle des Proches Aidants en EHPAD (CPAE). Domique SOMME, chef du service de gériatrie du CHU de Rennes. Philippe WENDER, résident en EHPAD et président de l’association Citoyennage.