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Au sein de notre société normative basée sur l’image du corps parfait et de la performance, à quoi peut correspondre la vie des patients en état végétatif chronique et quel est le sens de leur prise en charge ?
Par: Béatrice Albinet-Fournot, Médecin, Unité EVC/EPR, Clinique Korian, Canal de l’Ourcq, Paris / Nicolas Gegout, Psychologue, Unité EVC/EPR, Clinique Korian, Canal de l’Ourcq, Paris /
Publié le : 27 Septembre 2013
Suite à une atteinte cérébrale aiguë, après une phase de coma, certains patients peuvent rester en état végétatif chronique ou pauci-relationnel (EVC ou EPR).
Ils présentent alors des troubles de la participation motrice et cognitive majeurs. Il en résulte une dépendance motrice totale et des troubles de la conscience responsables d’un défaut de communication et d’interaction avec le monde extérieur.
Alors, au sein de notre société normative basée sur l’image du corps parfait et de la performance, à quoi peut correspondre la vie de ces patients et quel est le sens de leur prise en charge ?
A la phase initiale, le pronostic est incertain. Les décisions médicales vont être alors légitimement axées sur le principe de survie et le patient est alors happé dans une dynamique qui l’objectalise.
En phase de rééducation, le patient retrouve la possibilité d’être acteur dans l’interaction avec les rééducateurs mais dans une recherche de résultats et une course contre le temps motivées par l’espoir.
A l’issue d’un délai raisonnable, basé sur le pronostic de récupération à long terme, où peu d’évolutions peuvent être attendues en raison des séquelles, le patient pourra être admis en unité EVC/EPR.
On rentre alors dans une prise en charge au long cours où le patient et sa famille vont pouvoir se poser et se redécouvrir autrement.
C’est à ce moment que l’on rentre de pleins pieds dans une prise en charge médicale plus déroutante où les patients peuvent présenter des modifications symptomatologiques liées aux séquelles cérébrales, où ils peuvent faire preuve d’une résistance hors du commun aux pathologies intercurrentes.
Le médecin va alors changer sa position. Il n’a plus toutes les clefs. Il devient un accompagnateur sur le chemin de vie du patient et remet en question ses certitudes scientifiques.
Le patient se réapproprie un droit décisionnel subjectif.
L’habillage, la mise au fauteuil, le traitement des troubles neuro-orthopédiques qui déforment l’image, vont aussi conduire à un repositionnement éthique de la personne en tant qu’être humain.
L’interaction quotidienne entre la personne et les soignants permet de repérer les plus petits signes de communication persistants, avec une part inévitable d’interprétation.
De même, la famille va guider les soignants dans la redécouverte du sujet dans son humanité, par ce qui est dévoilé dans les réactions si exclusives entre la personne et ses proches.
Une fois réaffirmés les droits du patient, c’est son vécu qui va nous guider dans la prise de décision et nous fixer de nouvelles limites, de nouvelles lignes directrices dans le projet de soins et le projet de vie de la personne.
Contrairement aux idées reçues, prendre soin de ces personnes au quotidien avec l’implication dans l’interaction que cela nous impose et dans le respect de tout ce qui les définit, nous fait redécouvrir une autre facette de l’humanité loin des modèles admis.