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"Si une personne n’est pas estimée en mesure de donner un « consentement libre et éclairé », quelle notion peut-on solliciter du moins qui lui donne un espace d’expression reconnu et remplisse le vide entre le tout ou rien? Car l’incapacité a souvent des degrés, des moments, des formes variables."
Par: Armelle Debru, Professeur d’histoire de la médecine, université Paris Descartes, Espace éthique/IDF /
Publié le : 03 Décembre 2013
Longtemps après que le « consentement libre et informé » ait été inscrit dans les Codes, les Déclarations et les lois, la notion d’assentiment, connue des philosophes et des juristes, vient timidement l’y rejoindre. Va-t-on revivifier ainsi un champ qui, forgé d’abord pour résister aux transgressions de l’expérimentation, s’est étendu et a fini par se stériliser par l’excès des procédures, l’oubli du sens, et par son incapacité à s’adapter aux situations réelles ? Il semble qu’on veuille plutôt répondre à un manque persistant, à une lacune de l’éthique. En effet, si une personne n’est pas estimée en mesure de donner un « consentement libre et éclairé », quelle notion peut-on solliciter du moins qui lui donne un espace d’expression reconnu et remplisse le vide entre le tout ou rien? Car l’incapacité a souvent des degrés, des moments, des formes variables. Il faut donc explorer cette ressource nouvelle, voir quelle confiance on peut accorder à la valeur de l’assentiment, compléter un langage qui ne demande qu’à vivre.
Si assentiment et consentement se ressemblent, c’est qu’il sont tous deux issus du verbe latin sentire, sentir. A l’origine, celui-ci englobe deux sens : l’un plus physique, éprouver, percevoir, ressentir, et un autre plus intellectuel : penser, exprimer une opinion, juger (d'où "sentence"). D'un côté c’est ressentir avec ses sens, sa sensibilité, et de l'autre donner son sentiment, son opinion. Dans consentement en médecine nous avons perdu la première partie, qui parle du sensible, pour en rester au jugement : dire oui ou non, accepter ou ne pas accepter. La perte du premier sens de sentire a amputé la notion de ce qu'elle avait de vécu, d'élaboré personnellement, intimement. Notre "consentement " n'a plus ce halo subjectif, qui n’est pas absent de l’assentiment.
Ils se distinguent visiblement par le préfixe. Ad (devenu as-) signifie aller « vers », s'approcher de. Un assentiment dit une avancée, un parcours, un rapprochement. Le préfixe cum de consentement insiste à l’inverse sur l’identité acquise de deux opinions (cum). Il dit le terme, plus que la démarche.
Mais il faut aller jusqu’aux comportements. L'assentiment se passe de cérémonie. Au contraire, le consentement va de pair avec une certaine publicité, une officialisation juridique, parfois même une ritualisation. Il exige des formules, des preuves et des signatures, comme pour un mariage. Et il n’est pas très heureux de le présumer. L’assentiment, de son côté, n’use pas nécessairement de mots, encore moins de formules, mais il use toujours de signes. Incliner la tête, esquisser un sourire, faire un geste d’accueil même momentané, est signe d’assentiment. Il suffit parfois d’ un instant de conscience, d’un regard, d’un éclair de vigilance. A l’inverse le visage crispé, le regard détourné, diront mieux le refus qu’une signature arrachée au malade « capable ». Car si donner son consentement revient parfois à se soumettre en toute défiance, l’assentiment est adhérer sans bruit et en confiance. L’un et l’autre sont enracinés dans le droit d’acquiescer, qui autorise, et dans celui de refuser, qui suspend toute action en dehors de l’urgence et de la nécessité.
Mais il ne va pas suffire d’invoquer l’assentiment. Si l’on veut qu’il soit reconnu au même titre que le consentement, il faut apprendre à le décrire, ce qui demande observation, décryptage, et respect. Les soignants qui sont auprès des malades à la conscience altérée, ou des malades atteints d’Alzheimer ou d’autres formes démentielles, le savent bien, tout comme les proches. Ces derniers pourront alors, le cas échéant, joindre officiellement assentiment et consentement, consentir avec leurs malades, qui désormais n’auront pas complètement perdu leur droit d’accorder, comme on accorde une grâce, leur assentiment.