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"Ces dix dernières années, les fondations mêmes de l’édifice hospitalier se sont fragilisées : les établissements ont dû faire face aux pénuries d’infirmières, de kinésithérapeutes et maintenant de médecins. Et les projections ne sont pas rassurantes. Une question se pose alors : quelles stratégies pour accueillir et accompagner les patients demain ?"
Par: Cédric Tcheng, Directeur de la Fondation Cognacq-Jay, Paris /
Publié le : 11 Février 2014
Nous voilà déjà en 2014. Les technologies ont beaucoup évolué entraînant dans leur sillage de nouvelles thérapeutiques, de nouvelles approches, qui révolutionnent sans cesse le secteur de la santé. Citons par exemple la démocratisation des petscans, la mise au point des antirétroviraux, et plus récemment les implantations de cœurs artificiels. Autant de pistes, autant d’espoirs.
Un premier enjeu de l’éthique réside dans la maîtrise de ces progrès. Il existe aujourd’hui des appareils capables de décrypter le génome humain en moins de 3 heures. La génétique et le clonage soulèvent des questionnements, tout comme le sujet de l’euthanasie.
Un autre enjeu est d’appréhender l’évolution des prises en charge. L’amélioration des traitements a permis de prolonger la vie. Ainsi, des maladies très graves ont reculé et sont devenues maladies « chroniques ». La vie s’est déplacée de l’hôpital au domicile et la famille s’est agrandie pour accueillir l’infirmière, l’aide-soignante et l’aide à domicile. Le patient poursuit sa vie, essaie de la poursuivre, mais le spectre de la maladie reste, avec ses angoisses qui pèsent au quotidien. L’incertitude est bien souvent la rançon du sursis offert par la médecine nouvelle. La maladie physique peut déteindre sur le psychique et la nécessité d’humaniser la prise en charge est renforcée. La pratique du soin « technique » doit se doubler du « prendre soin ». L’autre aspect de la réussite de la médecine moderne est le vieillissement de la population, qui a engendré des problématiques accrues de perte d’autonomie et de dégénérescences cognitives. La prise en charge du grand âge et de ses troubles physiques ou mnésiques appelle une abnégation et un dévouement sans faille des aidants qu’ils soient familiaux ou professionnels. Mais l’humain n’est pas sans faille et là encore l’Espace éthique peut permettre la recherche d’équilibres pour aider et préserver les personnels et les aidants dans la complexité de leur exercice.
Enfin, un troisième enjeu est d’initier un dialogue pluri-professionnel, pour être en capacité de répondre aux besoins sanitaires. Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, les politiques sanitaires replacent le patient au centre des organisations. Ainsi, les représentants des usagers sont présents dans les hôpitaux et les conférences de territoire. Des perfectionnements multiples ont été accomplis, notamment grâce aux démarches qualité. Mais ces dix dernières années, les fondations mêmes de l’édifice hospitalier se sont fragilisées : les établissements ont dû faire face aux pénuries d’infirmières, de kinésithérapeutes et maintenant de médecins. Et les projections ne sont pas rassurantes. Une question se pose alors : quelles stratégies pour accueillir et accompagner les patients demain ? La réflexion éthique devient nécessaire pour aborder les sujets de l’organisation, du recrutement et du management. Qualité, traçabilité, mutualisation, équivalence européenne des diplômes, décrets de compétences des professions paramédicales et délégations sont autant de thèmes à investiguer au travers des prismes de l’écoute et du partage.
Chaque professionnel dans son lopin de responsabilité peut s’organiser, à son niveau, pour réussir mieux que son voisin à relever les défis de notre nouvelle société, mais est-ce cela dont nous avons besoin ? La démarche éthique doit nous permettre de regarder ensemble dans la même direction, en nous rappelant sans cesse que l’autre est un autre soi-même.