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Tout sujet dispose de moyens de perception du temps ; la neurologie et la technologie ont permis des avancées notoires pour une meilleure compréhension et intégration du temps en lien avec les évènements. La maladie d’Alzheimer vient perturber ces rapports au monde et au temps par les lésions cérébrales qui sont en lien avec les mécanismes de mémorisation.
Par: Cécile Furstenberg, Infirmière /
Publié le : 05 Septembre 2014
Le temps est décrit par Aristote dans son ouvrage Les Catégories associé à l’espace comme une des dix catégories essentielles qui sont la substance, la quantité, la qualité, la relation, l’espace le temps, la position, l’avoir, l’agir et le pâtir. La conception linéaire du temps distingue le passé, le présent et le futur. La phénoménologie développe les réflexions autour du rapport du sujet au monde et à l’autre dans le temps par la perception. La phénoménologie est une ouverture à la métaphysique ou philosophie première. Le rapport au monde et à l’autre du sujet module le temps, les sentiments ressentis de plaisir ou désagrément amplifient un évènement : la joie ou la charité irradient et peuvent transformer le présent en sensation d’éternité comme l’ennui ou la solitude peuvent rendre certaines minutes interminables. Quel est le temps du patient atteint de la maladie d’Alzheimer, du soignant, des proches ou de l’Institution ?
Tout sujet dispose de moyens de perception du temps ; la neurologie et la technologie ont permis des avancées notoires pour une meilleure compréhension et intégration du temps en lien avec les évènements. La maladie d’Alzheimer vient perturber ces rapports au monde et au temps par les lésions cérébrales qui sont en lien avec les mécanismes de mémorisation.
La difficulté de synchroniser la communication lors de la rencontre avec un patient atteint de la maladie d’Alzheimer engendre mécompréhension, distanciation, souffrance. Lorsque la perception du temps se trouve altérée, que le passé, le présent et le futur s’enchevêtrent, les processus d’adaptation au temps qui semblaient d’une évidence naturelle deviennent source de difficulté accidentelle récurrente et croissante. La tentative de restaurer un fil du temps uniforme use tout un chacun. Le patient et le soignant ou le proche luttent pour une rencontre malgré la diachronie des temps perçus et vécus. La sollicitude noue une relation qui se profile dans le passé, le présent et le futur. Le rappel des dates, l’évocation des souvenirs, l’utilisation d’un calendrier, les piluliers électroniques, la considération de l’affectivité de l’émotion ou des sens pour permettre une meilleure mémorisation, sont des moyens utiles pour préserver les facultés latentes de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, la créativité dans ce domaine est fort bénéfique. La valorisation des capacités de récupération encore présentes de souvenirs du passé permet au sujet de conserver au mieux son identité et sa personnalité. Le maintien des liens avec des personnes et environnements connus comme les proches ou la maisonnée sont sources de sécurité. Au-delà de cet effort de conservation ou de l’approximation d’un temps réel commun, il est possible d’envisager une rencontre éthique qui permette une dynamique qui donne au patient de persévérer dans son intégrité de sujet malgré la maladie.
L’éthique se déploie dans le passé, le présent et le futur. Paul Ricœur invite à l’éthique par la narration, le récit et le travail de relecture de l’histoire du sujet. Emmanuel Levinas par la responsabilité par et pour autrui propose l’application éthique dans la rencontre présente avec l’autre. Jonas convie à la survie de l’éthique dans le souci de conservation de la vie humaine pour les générations futures. L’empathie permet la rencontre de deux sujets dans leur perception factuelle ou actuelle différente et une communication malgré l’impact de la maladie.
La promesse lie maintenant et dans le futur deux sujets, sauve le patient de l’enfermement ou la solitude qu’induit la maladie d’Alzheimer et ouvre à la dynamique de l’espérance. Une alliance avec la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer s’esquisse et se consolide dans le temps. Prendre soin c’est prendre le temps de la relation avec la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer et percevoir dans ce chemin éthique d’espérance cette joie de la vie bonne avec et pour autrui qui revêt une dimension éternelle dans les limites des possibilités actuelles.