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"L’intention d’anticiper, notamment dans le champ du diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer, en est une manifestation majeure. Parce que la considération éthique des personnes est mise en jeu, créer, mobiliser ou transmettre des savoirs dans ce contexte nous oblige à « répondre de ». Et tout l’enjeu est bien de décider qui doit répondre et de quoi."
Par: Léo Coutellec, Maître de Conférences en épistémologie et éthique des sciences contemporaines, directeur de l'équipe « Recherches en éthique et épistémologie » (Université Paris-Saclay, INSERM, CESP U1018), membre de POLETHIS et de l'Espace éthique/IDF /
Publié le : 05 Septembre 2014
Ce que nous appelons le « syndrome de l’Aquila », en référence à la catastrophe sismique qui toucha l’Italie en 2009 et qui valu la condamnation pour « homicide par imprudence » de scientifiques membres de la commission italienne des grands risques, montre l’importance qu’il y a à penser aujourd’hui le concept de responsabilité dans un espace nouveau, ni juridique ni morale. Car ce que l’épisode de l’Aquila révèle c’est bien l’émergence d’une responsabilité propre aux savoirs, une responsabilité de nature proprement épistémique que nous appelons « responsabilité épistémique ». Selon nous, dans le contexte des sciences et des techniques contemporaines, aventures essentiellement collectives et impliquées par et dans la société, il ne peut s’agir que d’une responsabilité sociale qui dépasse le seul scientifique, soit-il inscrit dans une « communauté ».
L’intention d’anticiper, notamment dans le champ du diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer, en est une manifestation majeure. Parce que la considération éthique des personnes est mise en jeu, créer, mobiliser ou transmettre des savoirs dans ce contexte nous oblige à « répondre de ». Et tout l’enjeu est bien de décider qui doit répondre et de quoi. Autrement dit, l’intention d’anticiper n’est pas seulement une décision technique (que l’on peut justifier de multiples façons), elle est aussi un appel à notre attention éthique quant au type de responsabilité dont nous devons faire acte.
Ici, nous exposons brièvement quatre caractéristiques fondamentales de ce concept de responsabilité épistémique alors comme responsabilité sociale à propos des contenus, de la nature et de la transmission des savoirs, et à propos de la caractérisation des objets de connaissance.
Ce que nous proposons ici n’est pas une nouvelle théorie mais un cadre conceptuel ouvert pour repenser notre rapport à la responsabilité dans un contexte où les savoirs sont interpellés par l’éthique.