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"Une réflexion sur les règles relatives à la communication d’informations confidentielles, non seulement médicales mais aussi privées, voire intimes, entre des professionnels de ville appartenant à des champs et des niveaux de compétences très variables, aux vocabulaires non partagés, semblerait s’imposer lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables."
Par: Catherine Ollivet, Présidente du Conseil d’orientation de l’Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France, Présidente de France Alzheimer 93 /
Publié le : 04 juin 2015
À l’hôpital, l’admission volontaire du patient pour y subir une intervention ou recevoir des soins, entraine obligatoirement son accord implicite (et en pratique rarement explicité) à être pris en charge par une équipe médicale dont tous les membres seront autorisés de fait à avoir accès à son dossier médical. Parfois, des mesures restrictives à ce droit d’accès aux informations qu’il contient pourront, de façon aléatoire et variable, être appliquées à certains professionnels intervenant dans le service.
Le secret médical partagé est donc la norme à l’hôpital.
Une approche pluridisciplinaire et décloisonnée pour l’amélioration des soins médicaux et de l’accompagnement social des personnes malades et de leurs familles, est considérée aujourd’hui comme nécessaire à la qualité globale des soins aux personnes vivant à domicile lorsqu’elles sont atteintes de pathologies chroniques invalidantes, cas bien évident des personnes atteintes de MND.
La transposition au domicile de prises en charge de patients chroniques par des structures pluri-professionnelles semble aujourd’hui favorisée par des conventions signées avec la CNAMTS, entrainant de fait en ambulatoire un secret médical partagé sur le modèle hospitalier. D’autres dérogations d’informations médicales et sociales partagées en ville ont été également accordées dans le cadre notamment de l’expérimentation PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d'autonomie).
Or il semble bien qu’ait été oubliés l’obligation formelle d’en informer le patient ainsi que le recueil de son accord éclairé ou à défaut de son assentiment, obligations à renouveler chaque fois qu’en raison de la maladie évolutive de nouveaux acteurs sanitaires ou médico-sociaux sont sollicités à intervenir.
Pourtant, une réflexion sur les règles relatives à la communication d’informations confidentielles, non seulement médicales mais aussi privées, voire intimes, entre des professionnels de ville appartenant à des champs et des niveaux de compétences très variables, aux vocabulaires non partagés, semblerait s’imposer lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables.
« Big data » et « open data » devraient favoriser un partage d’informations et l’exploitation statistique de données en principe anonymes, favorisant également les progrès de la recherche médicale ainsi qu’en sciences sociales. Mais l’anonymisation des données n’a jamais jusqu’à présent dispensé les promoteurs d’une recherche médicale de l’obligation d’en informer le patient et d’obtenir son autorisation au stockage et usage de données nécessairement précisées, comme par exemple, l’archivage de caractéristiques génétiques. Encore conviendrait-il donc de définir quelles informations ciblées sont nécessaires aux objectifs de la recherche et/ou de la qualité des soins, et que le recueil du consentement de la personne malade ou à défaut son assentiment, soit systématiquement prévu et assuré à tous les niveaux du partage et du stockage d’informations la concernant.
Sans certaines garanties éthiques, juridiques et techniques, ce partage informel, non caractérisé et non contrôlé d’informations, fourre-tout de données informatisées et autres « documents de liaison » entreposés dans des lieux ne garantissant aucunement leur préservation, pourrait très facilement conduire à exclure les personnes atteintes de MND de leurs droits légitimes au respect de la confidentialité, et les mettre à la merci de dispositifs d’exclusion de certains droits liés à des questions de santé.