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Discours prononcé lors de la soirée d'ouverture de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement
Par: Roselyne Bachelot-Narquin, Ancienne Ministre de la Santé et des Sports /
Publié le : 18 Décembre 2015
Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.
Quand il m’a été demandé de rejoindre le comité d’honneur de l’Initiative « Valeurs de la République, du soin et de l’accompagnement », je n’ai pas hésité un seul instant tant la démarche apparaît féconde et opportune.
Certes, la situation internationale et nationale nous y invite. Les images glaçantes d’enfants tueurs déshumanisés hantent nos cauchemars, le rapt de la devise de la République par ceux qui font profession d’exclure nous indigne. Mais ne voir dans cet appel qu’une simple réponse destinée à des événements circonscrits dans le temps et l’espace, hic et nunc, serait une erreur et même une faute.
La démarche éthique dans le soin et l’accompagnement est souvent considérée comme un ensemble de bonnes pratiques qui interpelle l’individu, ou le groupe, soignants ou proches, appelés ainsi à une démarche de bienfaisance normée par un corpus législatif, un code de déontologie ou une charte. Elle est donc avant tout un dialogue singulier et d’ailleurs, les débats actuels dans l’espace public nous invitent à une compassion débarrassée de toute référence à un ordre supérieur et /ou collectif. La loi – dans une acception large de pacte fondant une communauté- n’est pas en ce domaine reconnue comme un élément irréfragable du Vivre ensemble mais au contraire considérée comme un élément perpétuellement négociable.
Rejeter la démarche éthique derrière les seuils clos des maisons et des hôpitaux porte en soi le risque de régression et même de barbarie.
Dans Si c’est un homme, Primo Levi raconte qu’à Auschwitz, le déporté demande à son tortionnaire qu’il lui arrache un morceau de glace qui pourrait apaiser son palais desséché. Le soldat refuse et le prisonnier lui demande : Warum, Pourquoi ? Et le bourreau répond Hier, es ist kein warum, Ici il n’y pas de pourquoi. Seules les réponses collectives, l’adhésion à des valeurs communes donnent un sens à ce qui ne serait qu’un pandémonium inhumain. L’initiative « Valeurs de la République, du soin et de l’accompagnement » est donc opportune et nécessaire au regard de l’œuvre de deshumanisation qui poursuit son chemin et structure notre société, parfois sous les habits frauduleux d’une autonomie personnelle égotiste et d’une conception déviée des Droits de l’Homme.
C’est bien là que se situera l’ardente nécessité de l’intervention de la République. Depuis bientôt deux semaines, 196 « pays » sont réunis pour négocier sur le climat.
196 pays qui sont, certes, devenus des Etats, 196 pays dont beaucoup sont des nations en ce que le sentiment d’appartenance l’y emporte sur les contingences politiques, certains sont mêmes des démocraties en ce que le peuple y décide de cette contingence, mais très peu sont, comme nous, une République, en ce que nous avons voulu que le pacte qui nous fait vivre ensemble soit basé sur un corpus de valeurs. Ces valeurs fondamentales portées au plus haut de la hiérarchie des normes dans la Constitution méritent donc d’être réfléchies, incarnées, enrichies. Parmi toutes ces valeurs, dans lesquelles j’inclus la sollicitude, l’altruisme, la bienveillance, j’ajouterai –sans rouvrir le débat de la Commission Veil- le concept de dignité ou à tous le moins d’égale dignité tel qu’il est porté dans le texte fondateur.
Il m’apparaît déjà que nos débats ne seront pas exempts de passions qu’il faudra tempérer dans le cadre de discussions constructives où tous ont la parole. Mais il faudra aussi que nous ouvrions nos bras et nos cœurs.
Abd el Malik lance dans une chanson: « République, ô ma République, pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu m’aimais ? »
A travers cette initiative, donnons du cœur et de la chair à la République. Elle le mérite.
Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.