Le Cahier
Sous la direction de Emmanuel Hirsch, Léo Coutellec, Paul-Loup Weil-Dubuc.
Avant propos
Ce troisième numéro des Cahiers de l’Espace éthique réunit le travail collectif de deux workshops organisés par l’EREMAND en partenariat avec le laboratoire d’excellence DISTALZ4 auquel l’Espace éthique Île-de-France est associé. La méthodologie des workshops de l’Espace éthique s’inscrit dans une démarche résolument pluridisciplinaire qui permet de réunir des personnes concernées par la maladie, des praticiens, des chercheurs provenant des sciences médicales, des sciences du vivant et des sciences humaines et sociales ainsi que des représentants des associations. La confrontation des savoirs, des points de vue et des vécus vise une meilleure compréhension des enjeux éthiques et sociétaux complexes liés aux MND.
L’hypothèse à la base de ce travail sur les MND fut la suivante : ces maladies, dans la diversité de leur caractérisation et de leur manifestation concrète, nous invitent à repenser nos approches et représentations sociales du concept de maladie. En effet, nous avons affaire à des maladies que l’on pourrait dire, en simplifiant, « sans cause et sans issue ». Malgré leur caractère neurologique, les MND se caractérisent dans la plupart des cas par une absence de clarté causale. La pluralité des facteurs de risques obligent à établir des relations entre l’approche neurologique et d’autres approches (psychiatrique, gériatrique, etc.). De plus, il n’existe actuellement aucune issue thérapeutique efficace pour ces maladies, nous sommes en présence de maladies chroniques dont on ne guérit pas. Le fait qu’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer soit reconnue au niveau règlementaire comme malade ou bien comme handicapée, et cela selon l’âge auquel le diagnostic est posé, ne présente qu’un exemple démontrant l’ambivalence existante. Les enjeux d’une meilleure compréhension des MND rencontrent ceux de leur reconnaissance pour tous les acteurs concernés : les personnes malades et leurs aidants ainsi que les professionnels du champ médical et sanitaire.
Il semble important de penser ces enjeux comme complémentaires, mais aussi comme contradictoires.
Le premier workshop qui s’est tenu le 29 janvier 2014 a été organisé en amont de la conception du plan et avait pour visée de contribuer aux propositions du groupe de travail ministériel « Adapter la société et la cité, accompagner l’évolution des pratiques dans une démarche respectueuse d’éthique, de qualité et de bienveillance ». Il a notamment permis de questionner l’expression « neuro-dégénérative » et de réfléchir à son périmètre.
La nécessité de considérer ces maladies par le prisme du « fonctionnement » des personnes malades est également apparue comme une perspective féconde.
Le deuxième workshop qui s’est tenu le 3 mars 2016 a prolongé ces réflexions.
Ce workshop entendait partir du constat de la difficulté, et pourtant de la nécessité, d’identifier la place et les contours des MND dans le paysage des maladies. En reprenant l’idée de l’« air de famille » (Ludwig
Wittgenstein), ce workshop a voulu questionner l’hypothèse que, plutôt que de recourir à une définition, il serait plus pertinent d’identifier ce que cette nouvelle catégorie MND peut nous dire à la fois sur les maladies en particulier et sur le concept de maladie en général. Les trois thématiques principales du premier workshop – comprendre, vivre et accompagner – ont été retenues et mises à l’épreuve de la discussion : l’approche épistémologique questionnant les MND en tant que maladies neurologiques, le vécu des personnes concernées ont été abordés autour des notions « guérison, rétablissement, empowerment », et l’accompagnement en se focalisant sur les enjeux de la reconnaissance sociale et politique. Les MND nous invitent effectivement à réviser nos approches ainsi que notre représentation sociale de la maladie. Finalement, interroger conceptuellement le champ des MND du point de vue de l’éthique, c’est repenser les principes, les modalités et les finalités des dispositifs aussi bien dans le champ médical que médico-social qui sont mis en oeuvre à l’heure actuelle pour faire face à ces maladies