Éditorial
Au cours de cette nouvelle législature, le projet politique de contribuer à refonder la République n’imposera-t-il pas de re- penser la démocratie en santé, et dès lors de réviser la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ?
On l’a constaté en ces temps de pandémie – et la crise endémique du système hospitalier en témoigne au même titre que les difficultés de toute nature auxquels les secteurs du sanitaire et du médico-social sont confrontés – les enjeux de santé concernent la vie et les choix démocratiques. Ils doivent bénéficier d’un espace public d’intelligibilité et d’appropriation d’arbitrages complexes, soucieux du bien commun.
Cette démarche de responsabilisation doit s’accompagner de dispositifs, accessibles à tous, de sensibilisation, d’information et de concertation permettant à chacun d’être reconnu partie-prenante d’adaptations, d’évolutions et donc de décisions indispensables et urgentes.
Il nous faut une intelligence pratique et engagée de la démocratie en santé, une visée et des pratiques renouvelées, respectueuses des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
C’est pourquoi l’Espace de réflexion éthique Île-de-France a engagé une démarche de concertation publique se fixant l’objectif de proposer aux instances nationales un renouveau de la démocratie en santé dans le cadre d’un texte de loi Démocratie en santé.
Créé en 1995 au sein de l’AP-HP dans la dynamique des « années sida » et donc de la « démocratie sanitaire », notre Espace éthique s’inscrit dans cette conquête de la reconnaissance des «droits des malades» ainsi que dans la perspective de cette évolution d’une culture soignante attentive à un partenariat respectueux de la personne dans ses valeurs, son autonomie et ses préférences. Le parcours de soin doit être compris dans la continuité d’un parcours de vie, soucieux des valeurs, des préférences et des habitudes de la personne. Il convient de favoriser le sens et la pertinence des décisions et des interventions dans le cadre de partenariats personnalisés et responsables. Nous soutenons les initiatives visant une protection et une représentation effectives de l’ensemble des parties prenantes dans la démocratie en santé et à une même reconnaissance des valeurs et des droits des personnes et des professionnels auprès d’eux. N’est-il pas justifié aujourd’hui de contribuer au renouveau d’un humanisme du soin ?
Le 18 mars 2022, nous avons lancé au Sénat une concertation qui aboutit aujourd’hui à la publication de nos travaux avec leurs propositions. Un conseil scientifique a été constitué1 : il réunit les compétences représentatives de la démocratie en santé.
À l’initiative du Pôle recherche de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France, une enquête nationale a permis d’obtenir des don- nées relatives à la connaissance de la loi en vigueur, à l’effectivité des droits des personnes malades dans les pratiques ainsi qu’aux besoins d’évolutions2.
Une seconde enquête proposant de valider 37 propositions issues de l’enquête nationale a été lancée du 28 avril au 9 mai 20223. Six groupes thématiques ont mené des travaux permettant d’identifier et d’actualiser les enjeux justifiant une révision de la loi du 4 mars 2002.
Notre démarche prend une signification particulière au regard du recours insatisfaisant aux instances de la démocratie en santé au cours de la crise sanitaire.
A la suite d’un colloque national organisé au Sénat le 18 mars 2022, 6 conférences préparatoires ont été organisées sur le thème « Repenser ensemble la démocratie en santé ».
- Reconnaitre les droits de la personne malade ou en situation de fragilité, les identifier, assurer leur effectivité
Mardi 22 mars 2022
- Expertises et savoirs expérientiels partagés, empowerment et reconnaissance d’autres compétences
Mardi 5 avril 2022
- Numérisation des dispositifs de santé: enjeux, impacts dans la relation de soin et le processus décisionnel
Mardi 12 avril 2022
- Que peut la démocratie en santé dans la gouvernance d’une crise sanitaire ?
Mardi 26 avril 2022
- Innovations thérapeutiques, prédictivité, anticipations : quels critères pour arbitrer et assumer des choix justes ?
Mardi 3 mai 2022
- Évolution des droits des adultes et des enfants en fin de vie
Mardi 17 mai 2022
Ces concertations développées dans le cadre de 6 groupes de réflexion thématique ont permis d’élaborer un document de synthèse accompagné de propositions soumises à une délibération et à une approbation à la suite d’un vote dans le cadre d’un «Grand débat» organisé à La Bellevilloise (Paris) le 20 juin 2022.
Cette contribution est destinée au Parlement ainsi qu’aux instances publiques de santé puisqu’elle se fixe l’objectif d’une reconnaissance de l’émergence d’une nouvelle culture de la santé, du soin et de l’accompagnement consacrée dans un cadre législatif. Mais elle a également vocation à contribuer au débat public et donc à être diffusée et approfondie.
Alors que la justice dans l’accès à des soins dignes de nos valeurs et de nos engagements sur l’ensemble du territoire national s’impose comme une des priorités de notre pacte social, notre démarche de démocratie en santé prend une signification éthique et politique dont il est désormais urgent de saisir les enjeux.
Emmanuel Hirsch
Directeur de l’Espace de réflexion éthique Île-de-France jusqu'en septembre 2022