Le programme
10h-11h15 : Introduction. Un tournant thérapeutique dans le traitement de la maladie d’Alzheimer ?
De récents essais cliniques démontreraient l’efficacité de deux candidats médicaments (le lecanemab et le donanemab) fondée sur l’immunothérapie pour ralentir le déclin cognitif des patients atteints de la maladie d’Alzheimer à des stades débutants. Ces avancées laissent envisager que nous pourrions assister à un tournant thérapeutique face à la maladie d’Alzheimer, non pas seulement à une innovation incrémentale mais peut-être à une innovation de rupture.
La prudence s’impose cependant compte tenu des effets secondaires potentiellement létaux de ces traitements et des décès occasionnés par ces essais. Par ailleurs, l’efficacité démontrée jusqu’à présent est significative au plan biologique et statistique ; il reste à apporter la preuve d’une amélioration clinique susceptible d’être constatée par les patients et leurs proches. Plus fondamentalement, quelles sont les conditions pour que nous puissions parler d’un tournant face à une innovation technique ? Un recul temporel n’est-il pas nécessaire pour que le constat d’une rupture puisse se faire avec discernement ?
La question n’est pas seulement théorique mais revêt une haute importance éthique à l’heure où les traitements contre la maladie d’Alzheimer suscitent de très fortes attentes parmi les patients, les proches et les soignants.
Philippe Amouyel
Fabrice Gzil, professeur associé à l’université Paris-Saclay, codirecteur de l’Espace éthique Ile-de-France, CESP/Inserm/Paris-Saclay
Nicolas Villain, neurologue, Pitié-Salpêtrière (AP-HP), chercheur à l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer
11h30 – 12h45 : Nouvelles formes de cliniques expérimentales, nouveaux enjeux ? Le cas des essais de prévention contre la maladie d’Alzheimer et des essais précoces en oncologie.
Dans le champ de la maladie d’Alzheimer, le recours aux essais de prévention tend à devenir l’une des principales réponses à l’échec des stratégies thérapeutiques développées jusqu’à présent. Ces essais consistent à expérimenter sur des patients se trouvant en début de maladie ou étant en bonne santé, l’efficacité de traitements cherchant à freiner la progression d’une pathologie, voire à en empêcher l’apparition.
Dans le domaine de l’oncologie, ce sont plutôt les essais précoces qui tendent à devenir une nouvelle forme de clinique expérimentale. Ces essais correspondent aux premières évaluations de la toxicité des molécules sur l’homme. Ces évaluations, traditionnellement réalisées sur des volontaires sains, sont alors ouvertes aux patients étant à un stade avancé de cancer, afin qu’ils puissent bénéficier des potentiels bénéfices thérapeutiques du traitement en développement.
Dans un cas comme dans l’autre, ces types d’essais cliniques soulèvent d’importants enjeux éthiques et épistémiques. Cette table ronde est l’occasion d’interroger l’histoire de ces essais, leur acceptabilité sociale et les modalités pratiques de leur organisation. Dans quelle mesure les essais de prévention et les essais précoces sont-ils en train de devenir un standard de recherche biomédicale ? Comment présenter un essai clinique à une personne en bonne santé ou en début de maladie ? Comment sélectionner les patients éligibles à un essai de « la dernière chance » ? Quelles sont les causes des refus d’inclusion et des sorties d’essai ? Quelle est la nature des savoirs produits ? Et comment de tels essais interrogent à nouveaux frais les frontières entre le soin et la recherche, la prévention et le curatif, la clinique et la biologie, la maladie et la santé ? En introduisant une dimension comparative, il s’agit également de réfléchir aux points communs et différences entre les champs de recherche respectivement consacrés aux maladies neuro-évolutives et aux cancers.
Mathieu Ceccaldi, professeur de neurologie, hôpital La Timone AP-HM, responsable du Centre mémoire de ressources et de recherche
Benjamin Derbez, maître de conférences en sociologie à l’Université Paris 8, CRESPPA, UMR 7217.
Robin Michalon : doctorant en histoire des sciences, EHESS, CAK UMR 8560
Modération : Amélie Petit
Déjeuner
14h-14h45 : Conférence introductive
Katrin Solhdju, professeure à l’Université de Mons (Belgique), chercheure au FNRS en histoire et philosophie des sciences
14h45-16h : Modes d'existence de la maladie d'Alzheimer
La maladie d'Alzheimer a été conceptualisée au cours du 20e siècle à travers une caractérisation qui a d'abord exclu, puis intégré, les sujets âgés. Cela a naturellement conduit à de grands changements quant à l'appréciation de sa portée, passant de maladie rare à problème majeur de santé publique à la fin des années 1970. Désormais, les difficultés se poursuivent pour établir l'identité de cette maladie. Peut-on la réduire aux deux types de lésions qui la caractérisent habituellement, selon le modèle qui gouverne la recherche pharmacologique, ou bien prend-elle des voies plus complexes, comme le suggère le fait qu'à
niveau d'atteinte égal sur le plan des lésions, il existe une grande disparité de l'altération cognitive ? Enfin, la maladie d'Alzheimer est-elle une entité véritablement dissociable des multiples facteurs qui peuvent influer sur la cognition ? Ces questions renvoient à un ensemble de positions que l'on peut rencontrer dans le champ Alzheimer, qui vont d'une adhésion plus ou moins franche au modèle neuropathologique à un rejet pur et simple de l'existence de la maladie, considérée comme construction sociale. Sans pour autant suivre les tenants de cette dernière position, nous proposons dans cette table-ronde de prendre acte d'une difficulté à faire exister la maladie d'Alzheimer d'une manière qui soit convaincante et pertinente pour tous les acteurs du champ et d'ouvrir ainsi la question de son ou ses modes d'existence. L'une des hypothèses qui sous-tend cette table-ronde est que l'inconfort ontologique ressenti sur l'entité Alzheimer traverse d'autres parties du champ, notamment sur les traitements dont l'évaluation et la pertinence demeurent très discutées, ainsi que sur les notions d'amélioration et de guérison qui peuvent être envisagées de manière très diverses. L'actualité récente qui a fait état de succès importants sur les nouvelles thérapeutiques sera notamment mise en rapport avec l'instabilité qui accompagne la conception et la compréhension de la maladie d'Alzheimer.
Pierre Grosmaitre, gériatre Hospices Civils de Lyon
Gaël Chételat, directrice de recherche INSERM, équipe Multimodal neuroimaging and Lifestyle in Aging and Alzheimer’s disease
Léo Coutellec
Modération : Vincent Israël-Jost