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Court texte extrait du numéro de La Lettre de l'Espace éthique consacré aux tests génétiques, abordant les liens entre tests génétiques et maladies relevant d'étiologies multiples.
Par: Dominique Stoppa-Lyonnet, Service de génétique oncologique, Institut Curie. / Marion Gauthier-Villards, Médecin, Service de génétique oncologique, Institut Curie. /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°2, Les tests génétique : grandeur et servitude. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
Au cours des études médicales, quand on évoques les maladies génétiques, on parle souvent de “moutons à cinq pattes“. Cependant, maintenant on sait qu'elles sont au nombre de cinq mille, qu'elles représentent 3 à 5 % des naissances en France et touchent vingt-cinq millions d'européens, donc un nombre important de patients de tous âges. " Nous ne sommes plus dans le domaine des raretés, mais bien dans celui d'affections courantes, que ces affections aient une composante partielle ou une forte détermination génétique " déclarait Arnold Munnich lors du forum Imagerie, Génétique : réflexion sur l'avenir , qui s'est tenu à Paris en mars 2000.
L'identification de facteurs génétiques, dans un grand nombre de maladies fréquentes, constitue effectivement une découverte relativement récente de la génétique médicale. Leur implication dans l'apparition de la maladie est variable. Certains ont un rôle majeur et concernent un faible nombre de personnes. D'autres ont un rôle limité et doivent être associés pour augmenter le risque d'une pathologie donnée. Toutefois, ils concernent un grand nombre de personnes : on se situe alors dans le domaine des maladies multifactorielles.
Nous aborderons ici la première situation : la présence d'un facteur génétique suffit à conférer un risque élevé pour une pathologie donnée. À titre d'exemple, citons la maladie d'Alzheimer pour laquelle on estime que 20 % des cas survenant avant l'âge de 60 ans, sont liés à l'altération d'un gène majeur, le cancer du sein dont 20 % des cas survenant avant l'âge de 50 ans sont également liés à un facteur génétique. Les risques de voir apparaître la maladie dans ce contexte sont importants : proches de 100 % pour la maladie d'Alzheimer ; de l'ordre de 60 à 80 % pour les cancers du sein. Parce que la pathologie associée survient en général à l'âge adulte et parce que sa survenue n'est pas constante, au terme de maladie génétique est plus souvent substitué celui de prédisposition génétique.
Si l'identification des gènes responsables de prédisposition est récente, c'est parce que repérer les cas associés à un facteur génétique parmi l'ensemble des cas est difficile. La présentation clinique de la maladie n'est pas différente ou peu différente de l'ensemble des cas. Les seuls éléments d'orientation procèdent, en général, de l'âge du diagnostic, souvent plus jeune que l'âge moyen et de l'existence d'une histoire familiale.
Ces éléments ne sont pas constants et ne sont pas spécifiques de la maladie génétique. En effet, histoire familiale d'une maladie fréquente, ne signifie pas de façon univoque facteur génétique associé, l'histoire familiale pouvant être fortuite. Ceci est particulièrement vrai pour les formes familiales de cancers du sein. Dans la population générale, le risque cumulé de cancers du sein à l'âge de 80 ans est de 8 %. De ce fait, une femme atteinte de cancer du sein, âgée de 70 ans, a une fois sur trois au moins une apparentée du premier ou du second degré également atteinte, en raison de la fréquence de la maladie dans la population générale.
L'analyse des cas familiaux de maladie d'Alzheimer ou de cancer du sein, a néanmoins démontré qu'il y avait plus de cas familiaux qu'attendus, et que ce surplus de cas était le fait de facteurs génétiques majeurs. En bénéficiant de la contribution de familles à cas multiples, et par la recherche d'une association entre la maladie et des marqueurs génétiques de position connue sur les chromosomes, plusieurs gènes d'une pathologie donnée ont été repérés.
S'agissant de la maladie d'Alzheimer, à l'heure actuelle trois gènes ont été identifiés : APP sur le chromosome 21, préséniline 1 sur le chromosome 14 et préséniline 2 sur le chromosome 1. Un quatrième gène reste à découvrir. Pour les prédispositions aux cancers du sein, deux gènes ont été identifiés : BRCA1 et BRCA2, localisés respectivement sur les chromosomes 17 et 13. Ils ne sont impliqués que dans 65 % des cas de cancer du sein dits héréditaires.
Dans les deux exemples retenus, les altérations des gènes responsables sont, dans la majorité des cas, différentes d'une famille à l'autre. Dans une famille donnée, un seul gène est altéré. Par ailleurs, la sensibilité des méthodes de détection n'est pas de 100 %. Cependant, les techniques de détection de mutations sont néanmoins reproductibles : lorsqu'une altération a été identifiée une fois, elle l'est à nouveau chez un sujet indépendant.
L'absence de caractéristique spécifique d'un facteur génétique sous-jacent, la diversité des gènes en cause, l'existence de gènes encore non identifiés, et enfin notre incapacité à détecter 100 % des mutations, limitent considérablement la signification du résultat négatif d'un test donné de prédisposition.
Un test négatif à l'issue d'une première recherche de mutation chez un malade suspecté d'avoir une forme génétique, n'élimine pas la présence d'un facteur génétique. En effet, il est difficile de faire la part entre absence de facteur génétique et présence d'un facteur qui n'a pu être détecté.
Afin qu'un résultat négatif soit associé de façon claire à "absence de mutation ", la première étude dans une famille donnée a lieu de façon paradoxale, chez la personne la plus susceptible d'être prédisposée, c'est-à-dire la personne qui a déjà développé la maladie étudiée.
Si l'altération responsable a été identifiée, alors secondairement un test peut être proposé aux apparentés. Si le test est négatif chez un apparenté, il pourra alors être retenu de façon claire qu'il n'est pas porteur du facteur de prédisposition identifié dans leur famille. Malgré ce test négatif, on ne peut éliminer le risque de la population générale, risque qui, précisément dans ce contexte de maladie fréquente, n'est pas nul.
Les tests de prédisposition sont, à l'heure actuelle, encore limités en raison de l'insuffisance de nos connaissances, tous les gènes associés à une pathologie donnée n'étant pas identifiés. Cela s'explique aussi par la sensibilité incomplète des méthodes de détection de mutation.
On peut néanmoins commencer à répondre à une personne qui s'interroge sur l'origine de son histoire familiale et sur son propre suivi. Les possibilités de prise en charge sont éminemment variables selon la pathologie considérée et trop souvent encore limitées. Gageons néanmoins que l'exploration du génome apportera un certain nombre de réponses qui permettront de mieux définir les sujets à risque et surtout de limiter ces risques par une réelle prévention.