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De l'éthique vers la pratique
"C'est pourquoi, il ne faut pas sous-estimer l'impact concret des valeurs éthiques dans l'accompagnement et le soin. Finalement, ne serait-ce pas ce qui contribue le plus à assurer la continuité et le bien-être, mais aussi le confort des personnes ? En effet, la reconnaissance de l'éthique comme un principe fondamental peut permettre d'impulser une certaine dynamique de part et d'autre de la relation de soin et d'accompagnement."
Par: Alicia Jovin, Chargée de mission empowerment et pairémulation, Direction des métiers d'accompagnement des personnes en situation de handicap de la Croix-Rouge /
Publié le : 20 Avril 2017
L'accompagnement, le soin, le prendre soin, sont des concepts qui nécessitent des connaissances spécifiques, des qualifications et des compétences précises, car il s'agit de la santé, de la responsabilité de chacun. Accompagner et prendre soin, c'est prendre des risques et assumer la lourde tâche de s'investir dans la vie de quelqu'un, pour une minute, un jour, un mois, des années…
Dans une société soucieuse de protéger chaque citoyen, le cadre de la santé et de l'assistance aux personnes est extrêmement réglementé, soumis à des contraintes financières et de temps considérables qui ont un réel impact sur les pratiques et donc, sur la santé des personnes.
Si nous devions choisir un élément de définition de l'éthique en accord avec cette réflexion, ce serait celui-ci :
« Réflexion qui vise à déterminer le bien agir en tenant compte des contraintes relatives à des situations déterminées »
En effet, nous parlons bien ici du bien-être des personnes, parfois de bon sens, dans des situations exiguës de dépendance.
Dans notre élan de vouloir toujours bien faire, de vouloir former outre mesure à toutes les spécificités de la vie, de vouloir créer sans cesse du sur-mesure, ne sommes-nous pas en train de passer à côté de l'essentiel et de ce qui constitue réellement le fond de l'accompagnement et du soin à la personne ?
Car oui, nous parlons d'abord d'un rapport humain…
L'éthique à la base de toute pratique
De manière très pragmatique, dans le domaine sanitaire et médico-social, le domaine de la santé et de l'accompagnement des personnes, le personnel est d'abord recruté sur des critères de diplôme, de qualification, de compétences acquises. Le nombre de demandes est tellement conséquent que, dans l'urgence, on privilégie les garanties et les assurances, le diplôme ou la preuve écrite que le professionnel saura répondre aux besoins et répondre aux tâches qu'on lui demande, sans que cela conduise à des litiges. Il y a des délais et des impératifs financiers, qui semblent prendre le pas sur le reste. Ainsi, même si des évaluations sont menées en permanence et si les perspectives d'amélioration sont un travail réel, on peut se retrouver forcé de privilégier tous ces aspects sur des questions pourtant essentielles de la santé : le bien-être, le confort, le respect des droits.
À titre d'exemple, nous choisissons celui du recrutement, mais cela a des conséquences sur l'ensemble d'une carrière ou d'une démarche de soin et d'accompagnement.
Les recruteurs œuvrant dans le domaine de l'aide à la personne, entre autres, sont soumis à la pression de réponse à la demande, de continuité de service, à une responsabilité omniprésente, passant ainsi, bien souvent, à côté de questionnements pourtant essentiels :
Le candidat est-il en capacité de comprendre et de faire face aux aléas du métier ?
Le candidat peut-il s'adapter aux patients ?
Le candidat est-il suffisamment formé sur l'éthique et la déontologie ?
Le candidat est-il volontaire pour apprendre et préparé au fait qu'il y a autant de manières de faire, autant de pratiques que de professionnels et de patients ?
Enfin, le candidat est-il d'abord qualifié sur les valeurs de l'accompagnement et du soin ?
La question de l'éthique est étroitement liée à celle de la qualité et, par là, on entend aussi les qualités humaines qui permettent de vivre en société, d'interagir avec son prochain, notamment lorsque celui-ci est dépendant, lorsque celui-ci est le patient, la personne accompagnée. La formation des soignants et des accompagnants est indispensable, mais cela ne remplace pas les règles du rapport humain. La pratique s'apprend, les valeurs se construisent. La formation est un droit et une nécessité, mais il serait nécessaire de se pencher davantage sur les réelles conditions d'accès aux formations et aux métiers de l'accompagnement et du soin, c'est-à-dire les valeurs requises pour, à un moment donné, être responsable de la vie de quelqu'un d'autre.
En ce sens, il semble évident que ce n'est pas seulement une question de diplômes et de qualifications pratiques.
Aujourd'hui, mon travail consiste à engager le dialogue avec les professionnels pour reconsidérer certaines valeurs éthiques et instaurer une posture professionnelle en accord avec le droit des personnes, mais c'est avant tout mon expérience personnelle de la dépendance et du handicap qui m'interroge. Et je suis loin d'être la seule à envisager les choses sous cet angle…
J'ai l'occasion de rencontrer et de collaborer avec un grand nombre de professionnels, sur le terrain, au quotidien. Le constat est assez clair : ce sont d'abord les valeurs qui permettent d'apprendre et d'intégrer les pratiques. Un professionnel désireux de répondre à une situation de dépendance, un professionnel conscient des différentes situations et du besoin de compensation de la perte d'autonomie, un professionnel préparé à intervenir dans un projet de vie davantage que dans un problème de santé ou de dépendance, est plus à même de développer ses compétences. La formation pratique est indispensable, mais elle nécessite d'abord un travail de compréhension et des prédispositions à donner du sens à ce qu'on fait.
Des qualités telles que la pédagogie, le sens de la communication, la patience et la curiosité de tout ce qui peut toucher à son métier entre autres, permettent d'accéder à un accompagnement complet, adaptable selon les situations et surtout, c'est une base pour l'évolution de carrière.
D'autre part, n'est-il pas plus encourageant et valorisant d'avoir été recruté pour sa capacité à progresser et donc à relever un certain nombre de défis que pour un ensemble figé des tâches répétitives ? Ne faut-il pas également apprendre aux professionnels ce qu’est une posture éthique, ce questionnement permanent sur les pratiques qui permet sans cesse de progresser ? L'éthique est ce qui reste, tandis que les pratiques et les approches évoluent. C'est une recherche à la fois collective et individuelle, un questionnement de l'action sous l'angle des valeurs.
L'éthique comme fonctionnement
Accompagner et soigner, c'est aussi créer un lien de confiance avec l'autre, c'est témoigner à tous les instants de son engagement et de sa bienveillance. Car il s'agit de soin, d'attention et d'accompagnement, c'est-à-dire d'être bien, parfois d'être mieux, ce qui semble indissociable de la question du rapport humain. Nous ne sommes pas dans un schéma de commerce, de service à proprement parler ou de recours à un tiers, un outil pour soigner et accompagner. Nous sommes confrontés à des situations d'humain à humain avant tout.
C'est pourquoi, il ne faut pas sous-estimer l'impact concret des valeurs éthiques dans l'accompagnement et le soin. Finalement, ne serait-ce pas ce qui contribue le plus à assurer la continuité et le bien-être, mais aussi le confort des personnes ?
En effet, la reconnaissance de l'éthique comme un principe fondamental peut permettre d'impulser une certaine dynamique de part et d'autre de la relation de soin et d'accompagnement.
Le professionnel est davantage reconnu pour son application et pour sa raison d'être dans le métier. Au milieu des réglementations et des contraintes, on prend en compte son humanité, autrement dit, ses souhaits et ses limites, et on met en pratique ses motivations intrinsèques, considérant aussi la raison pour laquelle il peut faire face et surmonter les difficultés du métier. Surtout, réaffirmer l'éthique comme étant fondamentale, c'est reconnaître une compétence à prendre en compte pour l'évolution d'un professionnel dans son métier, au regard de ses ambitions.
Au-delà des impératifs économiques, de la mobilisation des professionnels dans le seul but de remplir les objectifs des structures et des services, il y a aussi la pérennité par la qualité, ce qui a des effets non négligeables à la fois sur l'état d'esprit des professionnels et sur le bien-être des personnes accompagnées.
Être attentif à l'éthique signifie également de ne pas resserrer l'étau de la dépendance autour de la personne accompagnée, ne pas la restreindre au statut très pragmatique d'un élément de responsabilités, de moyens et d'objectifs. C'est une reconnaissance des valeurs de la personne et de son droit à être accompagnée dans son projet de vie telle qu'elle le conçoit, dans le souci de lui apporter l'aide dont elle a besoin, de mettre en œuvre ce qui correspond davantage à sa demande qu'à des engagements très formels qui ont été pris envers elle.
D'autant plus que le soin et l'accompagnement relèvent souvent d'une nécessité, non pas forcément d'un choix dans lequel le patient aurait plusieurs options.
En définitif, et compte tenu des différents bouleversements que subit le domaine de l'accompagnement et du soin, la réaffirmation des valeurs éthiques apparaît comme une priorité utile à toutes les innovations, améliorations, évolutions que nous espérons.