Depuis le 1er janvier 2021, la sécurité sociale ne prend plus en charge l’achat de traitements homéopathiques. Jusque-là remboursée à hauteur de 30% puis de 15% en 2020, l’homéopathie correspond à la médecine alternative la plus plébiscitée par les Français. Elle fait néanmoins l’objet de débats au sein de la communauté scientifique qui décrie le manque de preuve sur l’efficacité de ces produits à véritablement guérir des maladies et qui pourraient mettre en danger les malades en retardant la prise de médicaments efficaces. À cela les “pro-homéopathie”, soutenus par l’Association des Entreprises du Médicament Homéopathique (AEMH), opposent que la prise de ces traitements soulage les malades et les rassure, et donc que s’il y a effet, il devrait y avoir remboursement.
L’annonce a fait grand bruit en 2019 et est pleinement effective depuis le 1er janvier 2021 : l’homéopathie n’est plus prise en charge par la sécurité sociale. Le gouvernement avait pris cette décision après une analyse par la Haute Autorité de la Santé de l’ensemble des travaux portant sur cette médecine alternative et en avait conclu que “les médicaments homéopathiques n'ont ni prouvé leur intérêt en santé publique ni dans le soin des pathologies courantes”. La mobilisation des “pro-homéopathie”, englobant médecins homéopathes, associations de patients ou encore entreprises du médicament homéopathique, n’a pas tardé à se mettre en place suite à l’annonce pour réclamer le maintien puis le retour du remboursement. Selon eux, l’homéopathie est bien plus qu’un simple effet placébo mais qu’il s’agit d’une réponse “sûre, globale et individualisée, à chaque patient, en complément des autres thérapeutiques” d’après un communiqué publié sur le site www.monhomeomonchoix.fr. En cela, ils défendent le droit au choix dans un pays où 77% des Français ont déjà eu recours à l’homéopathie et 36% d’entre eux de façon régulière selon un sondage Ipsos paru en 2012.
L’homéopathie, dont l’invention date de plus de 200 ans, repose sur trois principes : la similitude, l’infinitésimalité et l’individualisation. Le premier repose sur le postulat que toute substance (végétale, animale, minérale ou chimique) qui nuit à des doses pondérales peut guérir à des doses préparées. Pour cela, la molécule active est diluée plusieurs fois selon des protocoles précis, c’est l’infinitésimalité. Par exemple, et selon ces principes, pour soigner une morsure venimeuse, ce même venin dilué permettrait la guérison. Le troisième principe, l’individualisation, avance que l’homéopathie aborde globalement la personne, que ce soit au niveau psychique ou physique, et donc que pour des mêmes symptômes chez deux personnes différentes, le traitement recommandé ne sera pas forcément le même. Le but est de stimuler le corps pour qu’il se soigne lui-même. Mais cette théorie ne convainc pas au sein de la communauté scientifique, n’est pas reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé, et est même décriée par un grand nombre de médecins. En cause, le manque de preuves et de recherches sur le véritable effet des traitements homéopathiques, et le manque de normes scientifiques sur les quelques études menées comme le dénonce une étude anglaise publiée dans le British Medical Journal en mars dernier.
Pour Imene Jouhri, médecin généraliste, le sujet de l’homéopathie soulève des questions éthiques, notamment sur la prise de risque sur la perte de chance d’un patient. “Si on
prescrit l’homéopathie à un patient qui refuse un traitement médicamenteux lourd mais qui a prouvé son efficacité, il y a un danger de retarder la guérison et d’aggraver le diagnostic puisque pour certaines maladies, plus on attend pour soigner, moins on a de chance de guérir la maladie”. Comme l’explique la médecin, un médicament ou une option thérapeutique ne peut être remboursé par la sécurité sociale que si elle a fait l’objet d’une étude scientifique et qu’elle a été présentée et validée par l’agence nationale de la santé. Une fois ces étapes validées, le traitement peut être proposé par tous les médecins et mis en place dans les recommandations et donc être remboursé. Rétablir le remboursement de l’homéopathie reviendrait donc à ce que cette médecine alternative soit considérée efficace par l’État. Or dans le cas de maladies graves, l’homéopathie, effet placébo ou non, ne peut peser le même poids qu’un traitement médicamenteux prouvé efficace dans le choix d’un patient.
Sauf qu’il arrive parfois que l’homéopathie représente la seule piste thérapeutique inexploitée lorsqu’aucun autre traitement ne fonctionne. C’est arrivé à Lylia, mère de Waël, deux ans : “Pour être très honnête je n’avais jamais vraiment cherché à savoir si cela fonctionnait réellement ou pas. Mon fils à partir de ses un an a commencé a avoir des fièvres de manière récurrente. Sauf qu’aucun médecin et spécialiste n’arrivait à définir la cause de ses fièvres qui persistaient. On nous a conseillé d’aller voir un homéopathe à qui nous avons tout expliqué. Il nous a prescrit un traitement sur quelques mois. Des petites billes à prendre. Aujourd’hui mon fils a diminué sa fréquence de fièvre mais nous sommes incapables de dire si c’est grâce à l'homéopathie ou aux autres traitements qu’il a eu.” Malgré l’incertitude, l’avis de Lylia reste tranché : “je pense tout de même que ça devrait être remboursé par la sécu dans la mesure où il s’agit de soin qu’on y croit ou pas, surtout lorsque l’on sait que les enfants sont deux fois plus sensibles à l’effet placébo que les adultes”.
Néanmoins, suite à son annonce, le gouvernement a tenu à rassurer les adeptes de l’homéopathie. Il affirme que le déremboursement n’affectera pas le porte-monnaie des Français, leur coût étant peu coûteux et ajoute qu’ ”en 2018, moins de 10% de la population a bénéficié d’un remboursement pour ce type de médicaments, avec un montant moyen remboursé moins de 2 euros par mois.”