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Face aux déserts palliatifs, redonner du sens au soin
"Le sentiment s’est accru que les décisions prises ne le sont plus seulement dans l’optique de soigner mieux mais sont soumises à d’autres impératifs, financiers en particulier, qui sont importants mais devraient être ordonnés au premier. "
Par: Claire Fourcade, Médecin de soins palliatifs, présidente de la SFAP /
Publié le : 22 juin 2023
Créer une langue commune entre soignants et gestionnaires
Consacré dans la loi depuis plus de vingt ans, le droit aux soins palliatifs est un immense progrès pour la société et pour la pratique médicale. Ce droit place le patient et son accompagnement en fin de vie au centre du dispositif médical. Il ne se focalise pas sur le traitement de la maladie mais sur l’accompagnement de la personne dans toutes ses dimensions : médicale, mais aussi sociale, relationnelle et psychologique.
La France se distingue de nombreux pays par son avance dans ce domaine, et par la construction progressive d’un parcours de qualité visant à répondre aux difficultés éprouvées à l’approche de la mort. Le grand changement que ce droit introduit est que la mort n’est pas vécue comme un échec du système médical, mais comme une réalité partagée par tous qu’il convient de préparer dans les meilleures conditions. La voie choisie par la France, dans le plus grand consensus politique depuis plus de 20 ans est un motif de fierté et vient enrichir notre modèle social auquel tous les Français sont attachés.
Cependant, après 5 plans de développement des soins palliatifs, 100 000 personnes par an en bénéficient, pour une demande estimée à 320 000 personnes par an. Le dernier plan en date (2021-2024) est financé à hauteur de 171 millions d’euros, une somme qui n’est pas à la hauteur des besoins réels. À titre de comparaison, l’Autriche a décidé de consacrer aux soins palliatifs 111 millions d’euros sur la période 2023- 2024, soit proportionnellement 8 fois plus que la France. 26 départements sont encore dépourvus d’unité de soins palliatifs.
A ce problème capacitaire s’ajoute un déficit d’information, parmi les patients mais également au sein des équipes médicales. D’important efforts en termes de formation et de ressources humaines sont nécessaires pour développer une réelle culture palliative.
Comme tout le secteur de la santé, les soins palliatifs sont les victimes des choix budgétaires que nous faisons depuis plusieurs décennies. La longue crise Covid a dévoilé ce que chacun pressentait mais qu’on ne voyait pas ou qu’on ne nommait pas : le modèle de soin que nous avons choisi n’est pas le bon, il arrive dans le mur de la financiarisation, de la logique de la performance et du tout économique.
Il est urgent qu’à nouveau une langue commune puisse s’élaborer entre soignants et gestionnaires qui permette de se comprendre, de s’entendre, de tenir compte des contraintes des uns et des autres. Or insensiblement depuis des années, la distance s’est creusée. Celui qui décide s’est éloigné de celui qui soigne et il est de plus en plus difficile de parler la même langue. Le sentiment s’est accru que les décisions prises ne le sont plus seulement dans l’optique de soigner mieux mais sont soumises à d’autres impératifs, financiers en particulier, qui sont importants mais devraient être ordonnés au premier.
Cela doit changer sous peine de faillite. Être soignant, c’est vouloir changer le monde, ou au moins un petit bout du monde. Mais nous ne pouvons pas changer le monde tout seuls. Il faut pour cela tout un « système de santé », cette organisation singulière et complexe qui, à l’hôpital ou à domicile, est une grosse machine qui a besoin pour fonctionner de multiples compétences parfois bien éloignées du soin et qui doit être tout entière tournée vers cette unique question : comment accueillir et soigner au mieux toutes les souffrances petites ou grandes de notre société ? S’il n’est pas tout entier tourné vers cette mission de « prendre soin », notre système de santé court à l’abîme et nous tous avec.
Les soins palliatifs portent des valeurs singulières : rendre le patient acteur de ses choix, de ses soins et surtout de sa vie, le mettre au centre de la réflexion et des préoccupations des soignants, au centre du mode d’organisation. Travailler en équipe, changer de regard, prendre le temps, faire l’éloge de la faiblesse et de la lenteur, de l’altérité et de la pluridisciplinarité. Prendre soin de la personne avant de soigner une maladie.
A propos de ce texte
Ce texte est tiré du document Fin(s) de vie : s’approprier les enjeux d’un débat publié en mars 2023 par l'Espace éthique/IDF dans le cadre du débat sur la fin de vie