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La loi relative à la bioéthique publiée : panorama des mesures nouvelles

Après les lois du 29 juillet 1994, du 4 aout 2004, du 7 juillet 2011, la dernière révision de la loi relativise à la bioéthique a été publiée ce 3 août au Journal officiel. La bioéthique décidément se vote en été.

Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /

Publié le : 02 Septembre 2021

Le texte du 2 août 2021 se présente comme un texte de changements dans l’immutabilité des grands principes de l’éthique médicale. Il marque l’évolution dans le sens de l’adaptation de la loi, d’une part aux avancées de la science, d’autre part  aux aspirations de notre société.
On remarque d’emblée que les intitulés des titres qui composent la loi font référence au choix éclairé des usagers, à la solidarité, à l’autonomie, au respect des principes éthiques ou encore à la responsabilité, marquant la volonté du législateur de réaffirmer et de préserver les valeurs essentielles du droit de la biomédecine et, plus largement, de notre système de santé. Il est également à relever que certains sujets sont abordés pour la première fois, comme  l’utilisation des algorithmes ou la  prise en charge des personnes intersexuées.

Nous proposons ici un panorama rapide des principales mesures de cette loi qui, souvent résumée à l’extension de l’assistance médicale à la procréation, comprend bien d’autres apports.

L’extension de l’AMP à de nouveaux cercles de personnes

La promesse de campagne du Président Emmanuel Macron est concrétisée. L’accès à l’AMP s’ouvre aux couples de femmes et aux femmes non mariées, sans aucune différence de traitement comparé aux couples de sexe différent. La condition de  « caractère pathologique médicalement diagnostiqué », antérieurement exigée, est supprimée. L’AMP devient une technique socio-médicale.
Alors qu’un embryon ne pouvait être conçu avec des gamètes ne provenant pas d’au moins des membres du couple, les couples souffrant d’une double infertilité peuvent bénéficier d’un double don de gamètes, masculin et féminin, afin qu’un embryon soit constitué spécialement à leur attention (CSP., art., L. 2141-3).

L’établissement de la filiation de l’enfant d’un couple de femmes

La filiation d’un enfant né par don de gamètes ou par  accueil d’embryon, depuis les débuts de l’AMP, s’établit selon le droit commun, c’est-à-dire par le jeu de la présomption de paternité lorsque le couple est marié et par reconnaissance du père dans les autre cas. Le législateur, tout en prenant soin de sécuriser la filiation des enfants d’un couple de femmes,  a choisi de ne pas dupliquer ce modèle, qui reste réservé aux couples hétérosexuels. Ainsi, un système inédit d’établissement de la filiation est créé. Alors qu’elle s’établit à l’égard de la femme qui accouche par sa désignation dans l’acte de naissance, elle est établie, à l’égard de l’autre femme, par un acte de « reconnaissance conjointe anticipée », signé chez le notaire lors du recueil des consentements et transmise à l’officier d’état civil au moment de la naissance (C. civ., art. 342-11). Toujours en vue d’assurer au mieux la situation familiale des enfants, une disposition prévoit qu’un couple de femmes dont l’enfant est né d’une AMP pratiquée à l’étranger, avant l’entrée en vigueur de la loi, peut recourir au mécanisme de la reconnaissance conjointe lorsque la filiation de l’enfant n’est établie qu’à l’égard de la femme qui a accouché (C. civ., art. 342-21).

La possibilité d’autoconservation des gamètes

Le droit pour toute personne majeure de procéder à la conservation de ses gamètes pour elle-même, en dehors de tout motif médical et en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une AMP, est consacré (CSP., art. L. 2141-12). Parallèlement, la possibilité d’auto conserver ses gamètes dans le cadre d’un don, souvent dénoncée comme une contrepartie incompatible avec l’altruisme inhérent à cet acte, est supprimée.
 

Le durcissement de la loi face à la question de la transcription des enfants nés d’une GPA

La gestation pour autrui reste strictement interdite.  Concernant la question de la transcription de l’état civil sur les registres français des enfants nés par GPA à l’étranger, la loi fait barrage à la position de la Cour de cassation qui, depuis 2019, admet la transcription totale de l’acte.  L’article 47 du Code civil, selon lequel l’acte établi à l’étranger « fait foi » excepté s’il est contraire à la réalité, est complété.  La « réalité » maintenant « est appréciée au regard de la loi française ». Le parent qui n’est pas biologiquement lié à l’enfant devra donc recourir à l’adoption pour voir sa filiation établie.

La création d’un droit d’accès aux origines personnelles

Ce droit, destiné aux personnes conçues par don de gamètes ou par accueil d’embryon, permet à ces dernières, lorsqu’elles ont atteint l’âge de la majorité, d’accéder à des informations non identifiantes et/ou à l’identité des donneurs. Elles pourront effectuer une demande en ce sens à la Commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, placée auprès du ministre chargé de la santé. Dès l’application de loi nouvelle, tout donneur de gamètes ou tout couple souhaitant proposer leur embryon à l’accueil devront expressément et préalablement consentir à la communication de ces données (CSP., art. L. 2143-2).
Les personnes conçues avant l’entrée de la loi  pourront saisir cette même commission, mais leur droit d’accéder à ce type d’information sera soumis à la volonté des donneurs, auxquels l’anonymat a été garanti (CSP., art. L. 2143-6).

Les mesures en vue de l’accroissement des dons d’organes

Bien que le prélèvement et la greffe d’organes soient, depuis 2004, élevés au rang de priorité nationale, les greffons restent insuffisants à répondre aux besoins. Aussi, plusieurs mesures de la loi nouvelle viennent accroitre les possibilités de dons.
Dans le domaine du don croisé, afin d’augmenter les chances d’appariement entre les donneurs et les receveurs, il peut être fait recours à un organe prélevé sur une personne décédée en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants. De plus, le nombre maximum de paires de donneurs et de receveurs est porté à six. Également, les opérations de prélèvement et de greffes, qui devaient être réalisées dans le même temps afin de préserver l’égalité des chances, se déroule dans un délai de 24 heures (CSP., art. L. 1231-1, II).
L’interdiction de prélèvement d’organes sur un adulte faisant l’objet d’une mesure de protection est restreinte aux personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique de représentation à la personne (CSP, art. L.1231-2). Concrètement, les personnes protégées par une mesure de représentation ne portant que sur les biens ou par une mesure d’assistance pourront décider d’être donneuses.

Le prélèvement de cellules hématopoïétiques connait également certains élargissements. Il est désormais autorisé sur un mineur, à titre exceptionnel, au bénéfice de ses parents (CSP, art. L. 1241-3). En ces cas, afin d’éviter tout conflit d’intérêt, un administrateur ad hoc est nommé par le président du tribunal judicaire pour représenter l’enfant aux lieu et place des parents. L’autorisation de prélèvement au bénéfice des parents est également étendue, toujours à titre exceptionnel, aux personnes majeures placées sous une mesure de protection juridique avec représentation à la personne. Là encore, un administrateur ad’hoc reçoit l’information et représente le donneur (CSP., art. L. 1241-4, al. 4).

La gestation pour autrui reste strictement interdite. Concernant la question de la transcription de l’état civil sur les registres français des enfants nés par GPA à l’étranger, la loi fait barrage à la position de la Cour de cassation qui, depuis 2019, admet la transcription totale de l’acte.

L’encadrement du «  don de corps »

Un chapitre nouveau du code de la santé publique vient encadrer le don de corps à des fins de recherche ou d’enseignement. Les établissements de santé, de formation ou de recherche devront être autorisés à recevoir ce type de dons et s’engageront « à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés » (CSP., art. L. 1261-1).

L’élargissement des conditions d’examen des caractéristiques génétiques

La loi réaffirme que l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou scientifiques et se trouve subordonné au consentement exprès de cette dernière. Elle modifie cependant la disposition antérieure, en précisant que seules les caractéristiques constitutionnelles (caractéristiques génétiques héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal) sont visées par le texte, à l’exclusion donc des caractéristiques somatiques (acquises à l’âge adulte) (C. civ., art. 16-10- I).
L’examen ou l’identification d’une personne qui n’est pas apte à s’exprimer peuvent être entrepris dans son intérêt à titre dérogatoire (CSP, art. L. 1130-3).
L’obligation d’information de la parentèle est réaffirmée et ses modalités sont précisées (CSP., art. L. 1131-1. – I.)
Lorsque la personne est hors d’état de s’exprimer ou décédée, un examen génétique peut être entrepris dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés, sous réserve qu’un médecin suspecte « une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave justifiant des mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins » (CSP., art.  L. 1130-4).

Le patient sur lequel est pratiqué un test des caractéristiques génétiques constitutionnelles (ou héréditaires) est désormais informé de sa possibilité d’accepter ou de refuser que des informations relatives au « données secondaires », c’est-à-dire des découvertes sans lien avec l’indication initiale de l’examen et correspondant principalement à des facteurs de prédisposition à certaines maladies génétiques, lui soient transmises (C. civ., art. 16-10).

Les assouplissements de la recherche scientifique

La loi distingue le régime des recherches sur l’embryon, qui reste soumises à autorisation, de celles menées sur les cellules-souches embryonnaires. Concernant ces dernières, la procédure administrative se trouve facilitée en ce que l’obligation pour les chercheurs d’obtenir une autorisation leur permettant de mener leurs expérimentations est remplacée par une simple déclaration.
Le délai maximum de culture des embryons sur lesquels une recherche est menée est porté de 7 à 14 jours (CSP., art. L. 2151-6. – I).

L’interdiction de création d’embryons transgéniques ou chimériques est supprimée. Il n’en subsiste que l’interdiction de modifier un embryon humain par l’adjonction de cellules qui proviendraient d’autres espèces (CSP., art. L. 2151-2).
 

La prise en charge des personnes présentant une variation du développement génital

Les opérations précoces, destinées à assigner un sexe à l’enfant, ont été dénoncées comme entraînant de graves souffrances tant physiologiques que psychiques. 
Ainsi, dans le cadre de la prise en charge d’un enfant présentant une variation du développement génital, une obligation de concertation des équipes pluridiciplinaires des centres de référence des maladies rares est imposée. Cette concertation conduit à l’établissement du diagnostic et des possibilités thérapeutiques, « y compris d’abstention thérapeutique », de même que de leurs conséquences prévisibles. Les parents, lors de l’annonce du diagnostic, seront informés de l’existence d’associations spécialisées dans l’accompagnement des maladies rares du développement génital de même que la prise en charge de l’enfant et de sa famille ( CSP., art. L.2131-6).
L’inscription à l’état civil du sexe de l’enfant, médicalement constaté, est retardée de trois mois (C. civ., art. 57).

La loi du 2 août devrait être révisée dans un délai de 7 ans.