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La République, ses marges et ses lieux de précarité
"On ne mesure pas l’impact négatif de ces écarts entre les valeurs affichées autour du respect de la dignité, de la personnalisation de la relation, de la qualité du prendre soin et les valeurs produites au cœur des soins, dans l’intimité des logements, au quotidien."
Par: Annie de Vivie, Fondatrice d’Agevillage.com, Coordinatrice des formations Humanitude /
Publié le : 18 Décembre 2015
Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.
Est-ce mon histoire personnelle (j’ai grandi dans une maison de retraite), est-ce mon histoire professionnelle (Agevillage, Humanitude) ? Mais la question des écarts entre les « valeurs affichées » et celles qui se vivent dans le quotidien des gestes de soin, m’interpelle, me bouscule, m’incite à me mobiliser, sans relâche.
Face à la montée des besoins des personnes fragilisées par des maladies de plus en plus complexes, face aux exigences des proches, face aux tensions budgétaires, les professionnels s’épuisent à enchainer des soins trop techniques, trop froids, trop rapides, jusqu’au célèbre « burn-out ». L’explosion des troubles musculo-squelettiques, des arrêts de travail dans nos secteurs d’activités témoigne d’un malaise grandissant.
On ne mesure pas l’impact négatif de ces écarts entre les valeurs affichées autour du respect de la dignité, de la personnalisation de la relation, de la qualité du prendre soin et les valeurs produites au cœur des soins, dans l’intimité des logements, au quotidien. On ne mesure pas les coûts humains, sociaux, sanitaires, économiques, de cette « non qualité ».
Insuffler la vision d’un prendre soin de qualité va à contre-courant de la pensée dominante. Cette vision s’oppose à la représentation qu’on a des lieux de soin comme des « lieux de souffrances ». Il est difficile, mais pas impossible, de les affirmer comme des « lieux de vie » et donc des lieux d’envies.
La République doit reconnaitre totalement ces lieux de retrait que sont certaines maisons de retraite. Elle doit accepter ces zones de non droits où les « sachants », les soignants, ont tout pouvoir sur la personne malade, âgée, fragilisée, vulnérable, sur ses proches, culpabilisés, tétanisés par le risque de représailles. Elle doit stopper les discriminations face à l’âge, aux personnes en situation de handicap et ainsi s’asseoir sur le fondement de notre constitution « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit… » ?
Ces enjeux individuels et collectifs interrogent notre contrat social et la place des personnes vulnérables dans notre société.
Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.