-
Dossier
Épidémie, pandémie, éthique et société : se préparer, y répondre
Enjeux de préparation, de réponse et de prise en charge en situation d'épidémie
-
Fin de vie
Hors-série des Cahier : S’approprier les enjeux d’un débat
Un cahier spécial dans la perspective du débat national
-
cahier
Au coeur de la pandémie du coronavirus - Vivre, décider, anticiper
Cahier de l'Espace éthique/IDF consacré à la période mars/septembre 2020 de la crise du COVID
-
checklist
Créer et animer une structure de réflexion éthique
Un aide-mémoire à destination des animateurs et porteurs de projet d'une structure de réflexion éthique
-
magazine
Face à l'imprévisible
Parution du quatrième numéro du magazine Espace éthique
-
cahiers
Vulnérabilités psychiques - mobiliser la société contre l’exclusion
Enjeux épistémologiques, éthiques et politiques
-
TRANSMISSIONS
L'Espace éthique s’engage avec l’Éducation nationale
Diffuser la discussion éthique dans les lycées grâce à des ateliers et rencontres
texte
article
L'affaire Bonnemaison en questions
A l'occasion du procès de Nicolas Bonnemaison, un retour sur les questions et champs que suscite cet événement.
Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /
Publié le : 17 juin 2014
Le procès de Nicolas Bonnemaison s’est ouvert mercredi dernier à Pau, devant la Cour d’assises des Pyrénées Atlantiques.
Par le hasard des calendriers, l’affaire se déroule alors que le Conseil d’Etat s’apprête à examiner le cas de Vincent Lambert pour décider si, en l’absence de toute possibilité de recueillir l’avis de l’intéressé, la continuation des soins entrerait dans le champ de l’« obstination déraisonnable » proscrite par la loi sur la fin de vie du 22 janvier 2005 relative aux droits des malades en fin de vie. Le Conseil d’Etat interviendra donc dans le processus d’une décision envisagée par la loi et rendue particulièrement complexe par le désaccord de la famille du patient.
Pour l’affaire Bonnemaison, près de trois semaines d’audiences sont prévues et parmi les soixante quatorze personnes citées à la barre, on trouve le député Jean Léonetti, Bernard Kouchner, ancien ministre de la santé, Michèle Delaunay, ancienne ministre des personnes âgées, Didier Sicard, premier président du CCNE, aujourd’hui président d’honneur, Jean-Claude Ameisen, actuel président, Vincent Morel, président de l’AFSAPP… On notera, non sans un certain étonnement, que la liste des personnes auditionnées ressemble sensiblement à celle que l’on trouve en annexe des travaux parlementaires entrepris en prévision d’une loi. Il ne s’agit pourtant pas d’élaborer la loi, pas davantage de la revoir ou de l’évaluer. Il s’agit de juger un homme qui, par ses agissements, s’est placé hors de tout cadre légal et a enfreint les textes en vigueur.
Mais, le traitement de l’affaire par les médias, sa concomitance avec l’affaire Lambert, la liste des personnes auditionnées pourraient dénaturer ce procès, le faire apparaître comme celui du droit français en matière de fin de vie. Ce serait oublier les faits.
Le médecin, accusé d’avoir attenté à la vie de sept personnes, a été mis en examen pour empoisonnement. Rappelons que l’empoisonnent est un crime, puni par l’article 221-5 du code pénal de trente ans de réclusion criminelle. Cette peine peut atteindre la perpétuité lorsque le meurtre est puni « sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur », ce qui est le cas en l’espèce.
Les faits, commis au sein de l’Unité d’Hospitalisation de courte durée du service d’urgences de l’hôpital de Bayonne, ont été dénoncés par les infirmières et les aides-soignantes, qui s’étaient étonnées de plusieurs morts rapides à la suite d’injections réalisées par le médecin. Après s’être concertées, elles avaient entrepris de le surveiller et elles avaient ainsi constaté qu’à diverses reprises, ce dernier s’était rendu à la pharmacie afin de se procurer des ampoules d’Hypnovel et de Norcuron, deux produits dont l’administration entraîne le décès.
Nicolas Bonnemaison est décrit par son entourage comme une personne intelligente, à l’esprit rapide, un homme calme, plutôt réservé et très investi dans son travail, mais aussi nerveusement fragile et enclin à la dépression. Sa défense repose sur l’état de santé des patients, ainsi que sur leurs souffrances qu’il a voulu abréger, prenant sur lui de leur administrer les substances létales.
Comme l’indique l’arrêt de renvoi devant la Cour d’assises, le médecin « a reconnu avoir utilisé du Norcuron et de l’Hypnovel, se plaçant ainsi en dehors du protocole légal tant au niveau des produits choisis que des modalités de prise de décision puisqu’il est avéré qu’il les a administré seul et sans aucune concertation avec le personnel soignant et les familles ». De fait, aux termes de la loi du 22 janvier 2005, « lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical ».
C’est pourquoi l’affaire Bonnemaison ne relève pas de l’application de la loi Léonetti. La question à laquelle devront répondre les jurés de la Cour d’assises est de savoir si Vincent Bonnemaison, en administrant à ses patients une substance létale en dehors de leur consentement, s’est ou non rendu coupable du crime d’empoisonnement.