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Le refus de transcription par la Cour de cassation des actes de naissance d’enfants nés d’une GPA réalisée à l’étranger
La dernière révision de la loi relative à la bioéthique en date du 7 juillet 2011, puis l’ouverture du mariage aux couples de même sexe par la loi du 17 mai 2013 ont contribué à relancer les débats sur la gestation pour autrui.
Par: Valérie Depadt, Maître de conférences, Université Paris 13, Sciences Po Paris, Conseillère de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France /
Publié le : 17 Février 2014
Chaque mois, Valérie Sebag-Depadt analyse un sujet de bioéthique sous l'angle du droit.
Découvrir ses autres contributions.
Civ. 1re, 13 septembre 2013, FP –P +B+I+R, n° 12-180315
Civ. 1re, 13 septembre 2013, FP –P +B+I+R+I ,n° 12-180315
Fraus omnia corrumpit1
L'appellation de "gestation pour autrui" désigne la pratique par laquelle une femme assure la gestation d’un embryon, afin de le remettre à la naissance au couple « commanditaire », c'est-à-dire aux parents d’intention. La GPA, qui se trouve aujourd’hui légalement encadrée dans plusieurs États dont la Grande Bretagne et la Grèce, connaît certaines variantes selon que la mère d’intention fournit l’ovocyte ou que celui-ci se trouve apporté par une autre femme qui, dans les textes régissant la GPA, ne peut jamais être la mère gestationnelle.
Cette technique, d’abord conçue comme un procédé médical permettant de pallier certaines formes de stérilité irréversibles, est aujourd’hui parfois présentée comme le moyen de permettre à des couples d’hommes de fonder une famille. D’où la violence des discussions…
Depuis 1994, la gestation pour autrui est fermement condamnée par le droit français au travers de l’article 16-7 du Code civil, aux termes duquel « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ».
Face à cette interdiction du droit français, nombre de couples se rendent à l’étranger afin de bénéficier d’une GPA. De retour en France, il leur faut transcrire sur les registres de l’État civil français les actes de naissance des enfants nés de cette technique.
La Cour de cassation, par trois arrêts du 6 avril 2011, a refusé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance d’enfants nés d’une GPA aux Etats-Unis. Dans ces affaires, les actes de naissance désignaient comme mère la femme française et non celle qui avait accouché. De cette façon, bien que conformes à la réglementation de l’état dans lequel ils avaient été rédigés, ils s’avéraient en contradiction avec le droit français notamment en ce qu’en désignant comme mère la femme qui n’avait pas accouché, ils constituaient une transgression du principe d’indisponibilité de l’état des personnes.
Les affaires qui ont donné lieu aux deux décisions du 13 septembre 2013 conduisent également à refuser la transcription d’actes de naissance d’enfants conçus et nés d’une convention de GPA, mais dans des circonstances sensiblement différentes. De fait, dans les deux espèces, les enfants étaient nés en Inde d’une mère indienne et d’un père français. Les actes de naissance dont il était demandé la transcription, dans la mesure où ils faisaient état de faits non contestés - à savoir l’identité des parents de naissance - ne portaient pas atteinte au principe d’indisponibilité.
Cette particularité par rapport aux affaires précédentes n’a pas conduit la Cour de cassation à modifier la solution, mais seulement son fondement. Elle condamne ces transcriptions en tant que fraude à la loi française, la fraude étant constituée par le fait de se rendre à l’étranger afin d’y recourir à une technique interdite en France et le refus de transcription marquant la sanction de cette fraude.
La Cour de cassation, par ces deux décisions, manifeste sa volonté d’empêcher toute velléité d’échapper à l’interdiction d’ordre public de l’article 16-7. Ni l’intérêt de l’enfant au sens de l’article 3 de la Convention de New York relative aux droits de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale tel qu’il se trouve inscrit à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne lui sont apparus de nature à infléchir sa position. Fraus omnia corrumpit…
1 : "La fraude corrompt tout"