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Le test génétique, moyen de confirmer le diagnostic clinique
"L'analyse de l'ADN permet de mettre en évidence la ou les mutations responsables d'une maladie. Cet examen est parfois inutile parce que le diagnostic est bien établi et sans ambiguïté, mais pour les malades, l'analyse moléculaire apporte la "preuve" qu'il manquait."
Par: Marc Jeanpierre, Généticien, laboratoire de biochimie et de génétique moléculaire, groupe hospitalier Cochin - Tarnier - Saint- Vincent-de-Paul - La Roche-Guyon, AP-HP. /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°2, Les tests génétique : grandeur et servitude. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
L'analyse de l'ADN permet de mettre en évidence la ou les mutations responsables d'une maladie. Cet examen est parfois inutile parce que le diagnostic est bien établi et sans ambiguïté, mais pour les malades, l'analyse moléculaire apporte la "preuve" qu'il manquait.
On pourrait s'interroger sur la question de savoir pourquoi une analyse de laboratoire aurait une valeur plus absolue qu'un ensemble de données indiscutables (histoire familiale, par exemple). Peut-être parce que, dans l'esprit des consultants, la rigueur exigée par la démarche scientifique est souvent confondue avec l'absence d'incertitude.
La clinique comme principe de l'étude
L'analyse de l'ADN peut souvent confirmer un diagnostic clinique en apportant la preuve de la présence d'une mutation et permettre de prendre des décisions (possibilité de diagnostic prénatal par exemple). La preuve de l'anomalie génétique est alors demandée et bien souvent cette recherche est perçue par les familles comme un droit, alors même que pour des responsables financiers d'hôpitaux ces analyses sont considérées superflues, très onéreuses (dans les hôpitaux parisiens "non prioritaires" est synonyme d'absence de financement). Beaucoup de responsables confondent peut-être science — et en particulier génétique moléculaire— avec recherche, donc sans rapport avec l'hôpital.
En pratique, il n'est pas possible (et donc pas souhaitable) d'étudier un lot de gènes divers, simplement compatibles avec le diagnostic envisagé. Les données obtenues par le clinicien ont donc un poids déterminant dans le choix des examens de génétique moléculaire (nous disposons d'environ 50.000 gènes). Il est souvent tentant d'essayer de ratisser large et de chercher à trouver des mutations pour des gènes a priori non vraisemblables. Toutefois, d'après mon expérience quotidienne dans un laboratoire de génétique moléculaire par " compatible avec le diagnostic D ", il faut comprendre " pourquoi ne pas essayer ce gène ? ", ce qui se transforme très souvent en " certainement pas le diagnostic D ".
Le sens de la mutation dépend souvent du contexte
Lorsque la pénétrance d'une mutation est faible, les données cliniques redeviennent essentielles parce que le résultat moléculaire ne peut être identifié que dans un contexte particulier. Comme il est fort improbable d'observer par hasard les signes cliniques ayant conduit à la prescription de l'analyse moléculaire et la mutation recherchée, on considère que la mutation retrouvée confirme les signes cliniques alors qu'isolément la même mutation aurait une faible valeur prédictive. Ce raisonnement s'avère essentiel, car le nombre de mutations ayant un caractère déterministe (avec une pénétrance très élevée) est limité, alors que les mutations prédisposant à une affection concernent l'ensemble de la population (toutes les maladies courantes ont une composante génétique plus ou moins importante, même les maladies infectieuses).
Le gène a perverti la clinique
La génétique moléculaire a curieusement modifié la définition de nombreuses maladies.
Avant l'ère moléculaire, la maladie était définie par un certain nombre de critères choisis plus ou moins objectivement. Après le gène, on peut obtenir la preuve moléculaire du diagnostic, même si le tableau est atypique.
Cette découverte change insidieusement la définition de la maladie. Le syndrome n'est plus un ensemble de caractères réunis du fait de leur fréquence par un médecin perspicace, mais l'ensemble des conséquences d'une mutation. Ce changement induit par la découverte ne représente pas toujours un progrès.
Ainsi, la définition du syndrome de Prader-Willi contenait des éléments considérés comme indispensables pour le diagnostic, comme un retard mental ou une petite taille. Mais maintenant que l'on connaît les causes moléculaires du syndrome de Prader-Willi (unidisomie maternelle du chromosome 15, délétion paternelle de la région proximale du chromosome 15 ou mutation du centre d'empreinte parentale de ce chromosome), on peut rencontrer des enfants Prader-Willi d'intelligence normale ou de taille normale (même s'ils ne sont pas fréquents). On a remplacé insidieusement la définition de la maladie à partir d'un ensemble de caractères cliniques, par l'anomalie moléculaire (peut-être parce qu'il s'agit de la cause de la maladie).
Cette perversion de la définition d'une entité clinique (" s'il n'y a pas la mutation ce n'est pas la maladie… ") a des conséquences négatives lorsque la recherche de la mutation est difficile. On ne trouve pas toujours d'anomalies moléculaires dans les régions testées. La mutation peut se situer juste à côté de la région explorée. Les malades de disposent pas de diagnostic et, de ce fait, ils subissent des explorations inutiles. Ils éprouvent un sentiment d'incertitude, difficile à vivre, pensant que la connaissance de l'anomalie moléculaire ne peut que leur être utile. Ce n'est pourtant pas toujours le cas. La révélation de l'anomalie peut être perçue comme une condamnation.
La mutation, une forme moderne de la malédiction
La confirmation du diagnostic clinique par l'analyse moléculaire est souvent mal perçue par les malades Ils y voient comme la signature d'une tâche irréversible, la preuve qu'une mauvaise fée s'est penchée sur le berceau. Parce qu'il n'est pas modifiable, notre héritage génétique est associé à l'idée d'irréversibilité et donc de déterminisme. Lorsque l'héritage génétique remplace l'image du destin fixé à la naissance, les tests génétiques deviennent les équivalents de la divination et prennent de ce fait un caractère magique. Le nombre de marqueurs génétiques de prédisposition aux maladies augmente rapidement. Ces marqueurs sont promis à un bel avenir, même si en pratique leur mauvaise est à l'origine de pathologie induite qui ne peut qu'être source de confusion et d'anxiété.
En réalité, ce n'est pas la mutation qui rend malade mais ses conséquences qui peuvent être sensibles à une prévention ou à un traitement. Le cas de la phénylcétonurie est un exemple classique de maladie génétique dont on ne peut corriger les mutations, tout en disposant des moyens d'en prévenir les conséquences.
Les plus fréquentes des affections génétiques (comme le diabète de type 2, touchant 7 % de la population) résultent des conséquences d'un mode de vie sur un terrain génétique (par exemple : alimentation et exercice).
Nos gènes ne dépendent pas de nous. Ils sont constitutifs de notre nature. Toutefois, les choix que nous pouvons faire relèvent de nos responsabilités.
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