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Les deux sens de "fin de vie"
"Dire d’une personne qu’elle est en fin de vie soulève deux questions : celle des signes annonciateurs de la mort, et celle du délai de sa survenue. La réponse à ces deux questions est cependant un peu troublée par l’évitement du mot « mort »"
Par: Armelle Debru, Professeur d’histoire de la médecine, université Paris Descartes, Espace éthique/IDF /
Publié le : 22 juin 2023
La première relève de l’observation, la seconde d’une périodisation. Elles sont en fin de compte très différentes. On examinera tour à tour les deux.
Dire d’une personne qu’elle est en fin de vie soulève deux questions : celle des signes annonciateurs de la mort, et celle du délai de sa survenue. La réponse à ces deux questions est cependant un peu troublée par l’évitement du mot « mort ». On ne peut pas faire tout à fait coïncider « en fin de vie » et « mourant », qui insiste sur l’actualité du processus, ni avec le moment de l’agonie. L’expression contient un certain flou temporel lié au fait qu’il s’agit d’un euphémisme destiné à éviter le mot « mort ». C’est le cas d’autres expressions comme « il est en train de partir », « il n’en a plus pour longtemps », « sa vie ne tient qu’à un fil » « c’est bientôt la fin », etc.
Pourtant il est important pour les proches et pour les médecins de savoir aussi précisément que possible si le processus visible sur le corps est irréversible et mènera à la mort, et dans quel délai. La difficulté de cette dernière prévision est bien connue. Les deux relèvent d’une impression, mais la médecine a cherché à en constituer un savoir.
Dès l’Antiquité, par exemple, l’imminence de la mort est enseignée par de nombreux indices cliniques, dont le fameux faciès hippocratique. Quant à l’évaluation temporelle concernant sa survenue, les maladies aiguës étant considérée comme fatales, une chronologie de l’évolution clinique permettait d’en affiner le pronostic. Raconté chronologiquement comme une « histoire de la maladie », chaque cas clinique permettait en réalité une lecture à rebours. « Mort le 17ème jour » était un aboutissement, mais aussi un point de départ de cet apprentissage rétrospectif d’un pronostic établi jour après jour : comme une série de « si….alors ».
Aujourd’hui, la littérature des soins palliatifs distingue des phases relativement précises du mourir (préterminale, terminale, agonie…) et s’efforce de la décrire. Mais l’art du « pronostic » notamment vital préfère laisser place à l’expression de l’incertitude et de la prudence (« pronostic vital engagé »).
De son côté, la locution « fin de vie » désigne génériquement une période de la vie commune à tous les êtres humains, indépendamment de son vécu. L’expression prend peu à peu une place officielle dans la périodisation des « âges de la vie ». On sait que, selon les sociétés, diverses phases de la vie sont délimitées et qu’elles changent de désignation au cours des âges. Des périodes sont divisées, chez nous l’adolescence est apparue, comme le senior, des transitions sont ajoutées, comme « préado » qui tend à s’imposer, sans éviter des flottements : une petite victime de 12 ans a été appelée récemment « enfant» « fillette », « petite fille », « jeune fille », « préado », « adolescente » etc.. On pourrait prévoir « préadulte » pour les grands mineurs relevant encore du « juge des enfants » « présenior » etc… Le plus frappant est l’extension de cette périodisation des âges de la vie au début et à la fin de la vie. Ainsi, en amont d’embryon et de fœtus, il existe un stade dit préembryonnaire ; à l‘autre extrémité, le dernier âge de la vie après la vieillesse, ou même avant, est désormais celui de la « fin de vie ». Malgré son nom, le post-humain n’est pas un nouvel âge de la vie mais une modalité par hybridation de l’humain.
La « fin de vie », dans le sens catégoriel, n’est pas objet d’un savoir mais celui de mesures d’organisation. Elles doivent être prévues par l’individu justement en dehors de sa fin de vie. Il y a désormais un droit, une législation, des règlements, en bref une citoyenneté qui s’attache à ce nouvel âge de la vie. La société est priée de l’investir pour ne pas laisser de vide social ou juridique quand il n’y a personne pour décider de la poursuite ou non des actes médicaux.
Il s’ensuivra la période du « défunt », encore un peu « patient » pour les chambres mortuaires, pris en charge par la législation du funéraire.
La réorganisation des âges de la vie est un travail continu dans l’évolution des sociétés, qui tend à inclure, diversifier, définir par de nouveaux droits, rendre visibles de nouvelles phases de la vie. Le travail actuel autour de la fin de vie en est un exemple frappant.
A propos de ce texte
Ce texte est tiré du document Fin(s) de vie : s’approprier les enjeux d’un débat publié en mars 2023 par l'Espace éthique/IDF dans le cadre du débat sur la fin de vie