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L’éthique pour interroger les automatismes de la pratique médicale
"L’exercice de la médecine s’inscrit toujours dans une pratique et des institutions qui comportent structurelement le risque d’effacer ou d’occulter la subjectivité des maladesé"
Par: Aurélien Dutier, Post-doctorant en éthique médicale à l’Université Paris Descartes au sein du Laboratoire d’éthique Médicale et de Médecine Légale de Paris V /
Publié le : 30 Septembre 2013
La médecine est une pratique au carrefour entre le domaine de la rationalité scientifique et celui des normes sociales. Diagnostiquer, c’est synthétiser et produire des connaissances, c’est permettre de lancer une thérapeutique, mais c’est aussi étiqueter, isoler, enfermer et parfois exclure. En médecine, un savoir sur le vivant s’inscrit toujours potentiellement dans une idée sur ce que doit être le vivant. Soigner les corps tout en les redressant, donner l’hospitalité tout en contrôlant et imposant des règles sociales : c’est cette ambiguïté et cette violence dans la pratique médicale qui m’ont toujours intéressé dans mes recherches en sciences humaines et en éthique médicale.
L’éthique pour ne pas déléguer le soin à un projet normatif
Dans la pratique soignante, la réflexion éthique surgit bien souvent lorsque l’on fait un pas de côté, lorsque l’on change de perspective, lorsque l’on se demande non plus quelles sont les meilleures des règles ou la meilleure procédure thérapeutique mais comment les soignants comme les soignés s’approprient, intègrent, résistent ou souffrent à l’intérieur des normes mises en place par l’institution de santé. Là où les sciences humaines prennent toute leur place dans la réflexion éthique, c’est que derrière l’alibi des conventions et de ces normes de santé, se cachent souvent des motivations ou des constructions symboliques et culturelles. Il s’agit d’abord d’identifier et de nommer ces valeurs implicites ou tacites dans le soin. Et ceci pour aider ou préparer à un échange plus lucide sur les alternatives thérapeutiques. Faire de l’éthique médicale, c’est être dans une suspicion permanente ; celle de l’adaptation des procédures et des outils thérapeutiques au quotidien. Par ce que l’exercice de la médecine s’inscrit toujours dans une pratique et des institutions qui comportent structurellement le risque d’effacer ou d’occulter la subjectivité des malades.
Si la réflexion éthique a du sens et une utilité, c’est de faire en sorte de ne pas déléguer le soin à un projet normatif. Elle doit survenir au quotidien dans l’adaptation des règles du soin pour répondre aux demandes, aux besoins et aux priorités des malades. L’éthique médicale n’est pas réductible aux grands dilemmes moraux et bruyants relayés par les médias. L’éthique permet d’interroger les automatismes de la pratique médicale, non pour les compléter mais pour intégrer l’incertitude et l’écoute au cœur de ses outils d’investigation. L’éthique médicale est ce qui permet de restaurer, dernière chaque action de soin, une relation d’aide et d’accompagnement.