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Lorsque les valeurs se confrontent au chaos

"Il s’agit maintenant de redonner à chacun, citoyen soignant ou citoyen de tous les jours, l’envie de continuer à faire vivre ces valeurs, l’exigence d’être présent à l’autre chaque fois que nécessaire, dans l’ordinaire du quotidien."

Par: Catherine Ollivet, Présidente du Conseil d’orientation de l’Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France, Présidente de France Alzheimer 93 /

Publié le : 09 Décembre 2015

Texte proposé dans le cadre de l'Initiative Valeurs de la République, du soin et de l'accompagnement.

Face au chaos, confrontés à un mal absolu, la mobilisation immédiate de très nombreux  citoyens, non seulement professionnels du soin d’urgence et du secours à la personne, mais aussi de citoyens « ordinaires » transcendés par le choc de la dévastation qui s’offrait à leurs regards, parfois eux-mêmes blessés, et venant malgré tout en aide à des frères de douleur, est la démonstration que face à l’anormalité monstrueuse d’une situation ponctuelle, il existait toujours des hommes et des femmes, donnant force et vie à la valeur essentielle de la République française : la fraternité.
Dès le lendemain, malgré tous les messages recommandant aux parisiens de rester chez eux, des centaines de personnes se pressaient devant les hôpitaux pour donner leur sang, geste incroyablement symbolique d’une fraternelle intimité : « nous partageons le même sang ».
Il s’agit maintenant de redonner à chacun, citoyen soignant ou citoyen de tous les jours, l’envie de continuer à faire vivre ces valeurs, l’exigence d’être présent à l’autre chaque fois que nécessaire, dans l’ordinaire du quotidien. Un quotidien qui ne fera pas sous les projecteurs médiatiques, sans journalistes se bousculant pour vous interviewer, sans titre ni gloire à attendre, un quotidien qui se fera dans la seule humilité des valeurs de la démocratie et du soin, pour l’autre, mon semblable, mon frère en humanité.
Face à ces effusions médiatiques je me demande si nous ne sommes pas devenus esclaves des projecteurs, de la lucarne magique télévisée, de la gloire éphémère, des photos de nos portables transportées à travers le monde par la force d’un petit clic sur les réseaux sociaux. Serions-nous esclaves et non plus citoyens, pour ne plus être capables de nous mobiliser que lorsque la gloire d’être vu et reconnu devient certaine : sportifs chantant avec émotion la Marseillaise, jeunes dansants, riants et s’écriant « même pas peur », artistes se proclamant « résistants » parce qu’ils reprennent leur spectacle.
De quelles valeurs de la République parlons-nous lorsqu’il s’agit même de vendre les images de son portable à des journalistes ? Le scoop médiatique fait-il partie aujourd’hui des valeurs de la démocratie, aux côtés de quelques termes étrangement désuets, comme « humilité, présence, responsabilité, exemplarité… » ?