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Médecine personnalisée : le consentement en question
Les questions éthiques autour des données personnelles médicales et du consentement des patients se multiplient. En particulier, la « médecine personnalisée » ravive ces débats, en ouvrant la porte à un système de santé de plus en plus informatisé.
Par: Edwyn Guérineau, Rédacteur scientifique /
Publié le : 22 Juillet 2022
Suivre un protocole thérapeutique plus efficace pour le patient
Début mars 2022, le réseau suisse de santé personnalisé (SPHN), annonçait s’associer à une startup pour le lancement de deux projets pilotes en matière de cybersécurité des données de santé. Alors que la médecine personnalisée commence à devenir une réalité dans les domaines de la recherche et du soin, les problématiques éthiques qui l’entourent se font de plus en plus ressentir. En particulier, la notion de consentement concernant les données de santé se complexifie.
La médecine personnalisée, « stratifiée », ou « de précision », ambitionne de délivrer des traitements plus adaptés aux singularités de chaque patient. En comparant ses données médicales – notamment génétiques, à de grandes bases de données issues de la recherche biomédicale, le patient et sa pathologie sont associés à un profil-type. Cela permet au médecin de suivre un protocole thérapeutique plus efficace pour la catégorie de malades auquel son patient appartient. Pour le moment, cette approche est principalement employée en cancérologie.
En France, la collecte et l’utilisation de données personnelles de santé nécessitent le consentement libre et éclairé du patient. « Le principal problème concernant le consentement du patient, c’est : quelle est sa compréhension réelle ? », estime Henri-Corto Stoeklé, responsable de l’éthique au département d‘Éthique et intégrité scientifique de l‘Hôpital Foch, à Paris. L’enjeu fondamental est donc la capacité du patient à comprendre quelles données il fournit et dans quel but, ainsi que celle des médecins à transmettre une information exhaustive.
Plusieurs formes de consentement envisagées
Cependant, la nature même des données personnelles reste mal définie. « Actuellement, il existe un flou juridique sur la propriété des données médicales, précise Henri-Corto Stoeklé. Nous ne sommes pas propriétaire de nos données de santé, et comme pour une partie de notre corps, nous n’avons pas le droit de les vendre. » Dans ce cadre, quelle forme donner au recueil du consentement ? Pour le moment, le patient qui participe à un projet de recherche consent une unique fois. Cela pourrait conduire à un « consentement large » de facilité, qui implique de ne poser la question qu’une fois pour ensuite utiliser les données dans de nombreux projets de recherche.
À l’inverse, d’autres acteurs, comme Henri-Corto Stoeklé, défendent un consentement dynamique. Grâce à une interface en ligne, les patients pourraient, pour chaque utilisation de leurs données, fournir ou révoquer leur consentement. Des directions différentes, qui doivent donc être soumises au débat public, comme le souligne l’OPECST. « La question de la définition des données de santé découle de toutes les relations avec les praticiens, et de quelle forme de consentement ou de contrat est mise en place », résume Henri-Corto Stoeklé.
Une médecine déconnectée de son patient ?
Dans son rapport, l’OPECST pointe d’autres enjeux éthiques à considérer avec la mise en place d’une médecine personnalisée. Si cette approche veut mettre l’individu au centre de ses considérations, l’office soulève un bémol. La modélisation du patient à partir de ses données biométriques ne doit pas prendre le pas sur l’organisme lui-même. Un risque de déshumanisation par la technologie qui se retrouve dans les indicateurs mobilisés par la recherche. Henri-Corto Stoeklé pointe ainsi : « La médecine risque d’oublier la question du sens. La survie des patients augmente, mais avec quelle qualité de vie ? Pourtant, c’est la variable de la survie qui guide les dotations des essais médicamenteux. » Pour l’instant, la médecine personnalisée permet surtout d’agir sur les symptômes des cancers. La maladie devient chronique, et si les patients survivent quelques années de plus, ils ne sont pas soignés pour autant.