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Parents et professionnels dans la décision : positions respectives
"L'annonce anténatale d'un handicap potentiel est ainsi indissociable de la notion de décision — poursuite ou non de la grossesse — qui pèse inévitablement sur l'annonce et son interprétation."
Par: François Audibert, Obstétricien, service de gynécologie-obstétrique, hôpital Antoine-Béclére, AP-HP /
Publié le : 17 Novembre 2005
Texte extrait du dossier thématique de 2005 « Face à la mort périnatale et au deuil : d’autres enjeux », disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
Les progrès de l'imagerie anténatale et du diagnostic prénatal autorisent aujourd'hui le diagnostic avant la naissance d'un grand nombre de situations à risque de handicap postnatal. L'irruption de tests de dépistage et de diagnostic prénatal dans les maternités a bouleversé la perception de l'enfant à venir par les parents comme par les professionnels. On est passé d'une situation d'incertitude naturelle à l'illusion de pouvoir garantir « l'enfant parfait », ou tout au moins indemne de toute différence par rapport à la norme. Les professionnels comme les parents sont toutefois très mal préparés à l'annonce de l'interprétation de ces examens. La situation anténatale est très particulière, dans la mesure où on examine un sujet « virtuel », objet certes de toutes les attentions et espoirs, mais aussi susceptible d'élimination ...
L'annonce anténatale d'un handicap potentiel est ainsi indissociable de la notion de décision — poursuite ou non de la grossesse — qui pèse inévitablement sur l'annonce et son interprétation.
Il va de soi que le champ des situations concernées est très vaste, et que l’on ne peut donner un schéma univoque puisque l'annonce dépendra de l'histoire de chaque patiente ou famille, de la gravité de la pathologie en jeu, du degré de certitude — ou d'incertitude — du diagnostic et du pronostic.
Trois types de situations distinctes peuvent être envisagées.
Diagnostic de certitude d'une anomalie très grave, voire non viable
Il pourra s'agir d'une maladie génétique à risque de récurrence, pour laquelle la famille est parfaitement informée du pronostic du fait d'antécédents (amyotrophie spinale infantile, mucoviscidose, etc.), ou d'une maladie sporadique mais de pronostic constamment mauvais (trisomie 18, cardiopathie létale, malformation cérébrale complexe, etc.). Dans ces cas, une décision d'interruption médicale de grossesse (IMG) sera le plus souvent prise, et vécue comme un moyen d'éviter une souffrance pour l'enfant à venir. Ces types d'annonce et de décision ne devront toutefois jamais être considérés comme « simples » par l'équipe soignante, et l'accompagnement du deuil de ces couples est fondamental. L’intervention d'une équipe pluridisciplinaire, associant obstétricien, pédiatre, psychologue, sages-femmes, est indispensable depuis l'information initiale jusqu'au suivi à long terme. Chaque étape de ce processus sera respectée, en se donnant du temps.
Il n'y a probablement pas de « bonne manière » d'annoncer une si mauvaise nouvelle, mais des maladresses peuvent certainement être évitées dans cet exercice difficile (exposé brutal de termes purement techniques, commentaires « à chaud » pour des tiers, collègues, stagiaires, au moment de l'examen échographique par exemple).
Diagnostic de certitude d'une anomalie curable
Une cardiopathie à type de transposition des gros vaisseaux, par exemple, anomalie isolée d'un membre nécessitant une intervention correctrice, fente labio-palatine isolée. Dans ce cas, le rôle – bénéfique — du diagnostic prénatal consisterait à préparer les parents et l'équipe médicale à un meilleur accueil du nouveau-né. Il pourra s'agir d’envisager une prise en charge médicale spécifique, parfois urgente à la naissance, ou plus souvent d'une information aux parents permettant d'atténuer le traumatisme de la découverte à la naissance, et d’anticiper les étapes de la prise en charge de l'enfant. En cas de fente labio-palatine, par exemple, la rencontre avec l'équipe chirurgicale, voire avec d'autres parents et enfants opérés, l'explication des différents temps opératoires, permettent certainement un bien meilleur accueil de l'enfant.
Anomalie suspectée, voire certaine, sans possibilité d'en préciser le pronostic
Il s'agit d'une « probabilité de handicap », notion difficilement acceptable, mais qui est pourtant fréquemment rencontrée. Citons l'agénésie complète isolée du corps calleux, l'infection materno-foetale à cytomégalovirus sans anomalie échographique, la dilatation isolée des ventricules cérébraux, etc. Dans toutes ces situations se présente un dilemme pour le médecin (quelle information donner pour ne pas taire la vérité mais ne pas briser pour autant tout projet d'enfant ?) comme pour les parents (assumer le choix d'élever un enfant porteur de handicap ou bien condamner un enfant peut-être bien portant ?). La nécessaire confirmation du diagnostic auprès de différents experts va rendre encore plus complexe la relation, du fait de la multiplicité des intervenants et des délais parfois longs pour tenter de préciser un pronostic ou une évolution.
Dans cette démarche, le médecin doit résister à certaines tentations : celle de la dérobade par son silence, celle du « prêt-à-porter » (telle anomalie serait synonyme de telle conduite), celle de vouloir tout régler tout de suite, de trop en dire dans le diagnostic et le pronostic, celle d’être tenté de faire le choix à la place des futurs parents, ou à l'inverse de faire reposer sur leurs seules épaules la responsabilité d'une décision difficile, après avoir délivré une information technique, chiffrée et dépassionnée. Enfin, celle de croire que l'on peut toujours faire « bien » si l'on tient compte de tout ce qui vient d'être dit.
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