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Polyhandicap et pandémie : Une tribune du Groupe Polyhandicap France

Reprise d'une tribune du Groupe Polyhandicap France publiée sur le site du quotidien La Croix sous le titre "Masques et Bergamasques" le 2 avril 2020, dans le cadre de la pandémie de COVID-19

Par: Groupe Polyhandicap France /

Publié le : 06 Avril 2020

Il y a ceux qui parlent, qui grognent, qui contestent. Ceux qui comptent, calculent et élaborent. Ceux encore qui font des courbes, des statistiques, des prévisions à longueur de réseaux sociaux, de plateaux télé et de radios.
Et puis il y a ceux qui ne parlent pas ; ceux dont seuls les proches, familles et professionnels comprennent les besoins et attentes, et les portent devant les décideurs, les responsables et la nation.

Je vous parle des personnes polyhandicapées.
Savez-vous ce qu’est le polyhandicap ? C’est une drôle de situation, causée le plus souvent par une mutation génétique aléatoire, qui frappe nos enfants, le mien, les nôtres, les vôtres peut être. Prisonniers de leurs corps, atteints dans leur esprit, sans langage verbal, souvent frappés d’épilepsie, parfois déformés, mais, surtout, dotés d’une affectivité, d’un courage, d’un appétit de vivre impressionnants.

Les parents, héros de l’ombre

Minorité oblige – ce n’est même pas une naissance sur mille – on a tendance à les oublier. On ne les connaît pas. Leur altérité est telle que souvent, on oublie à quel point ils sont nos semblables. Faute de savoir comment se comporter, on se détourne. Injustice suprême.
Dans le quotidien, c’est très difficile à vivre. Pas assez de solutions d’accompagnement, peu de formations. Les parents, héros de l’ombre sans même le savoir, accompagnent, créent, inventent en permanence pour préserver le bonheur de vivre de leur enfant, eut-il 50 ans.

En temps de crise, c’est dramatique

On leur applique toujours les solutions de Monsieur Tout Le monde. Elles ne conviennent pas ? Tant pis, il faut s’en arranger.
La distanciation sociale ? Ce serait drôle si ce n’était pas si tragique. S’occuper d’une personne tétraplégique en respectant un mètre d’écart, pour seule mesure ?? L’ironie n’est pas seulement amère, elle est dramatique. Cela bafoue les droits les plus élémentaires, et d’abord le droit à la vie. Pour toutes les personnes polyhandicapées, pour toutes celles qui ont un handicap moteur, pour tous ceux et celles qui ont des difficultés neuro-motrices, c’est insupportable.

Les personnes polyhandicapées sont fragiles, et présentent une vulnérabilité respiratoire majeure. Ils font des fausses routes, ils ne savent pas tousser, ils multiplient les pneumopathies. Combien de temps accepterons-nous qu’on les approche sans masque alors qu’on est peut-être porteur asymptomatique ? Combien de temps tolèrerons-nous que les soignants ne puissent pas les approcher à domicile, éloignés faute de masque par des familles justement angoissées, souvent épuisées ?

Une immense fragilité

Dans les établissements médico-sociaux dans lesquels vivent les adultes, cinq masques par « lit » et par semaine alors qu’il nous en faut au moins cinq par jour. Dans ces mêmes établissements, il manque d’infirmières de nuit, budget oblige, il manque de possibilités d’isolement. Il faut trouver des solutions, et vite.

Les Agences Régionales de Santé ne considèrent pas ces publics à l’aune de leur immense fragilité, mais d’une réglementation oublieuse de leur spécificité.
Ils sont peu nombreux. 50 000, 60 000 ? Raison de plus pour les protéger ! Comment sacrifier une catégorie de population « a priori » par indifférence, méconnaissance ? Comment se détourner d’une vulnérabilité maximale ? Sur un plan éthique, c’est inacceptable. Au pays des droits de l’homme, c’est insupportable.
Pour reprendre un cri célèbre, Au secours mes amis ! Au secours Monsieur le premier ministre, au secours Monsieur le Ministre de la santé, au secours Madame la ministre auprès des personnes handicapées, il suffit d’une signature de votre part pour leur donner l’accès aux masques autant que de besoin, pour sauver sans attendre leur vie si fragile et si précieuse.