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Rapport - La protection juridique des majeurs vulnérables

Engagements de la France, évolution du régime de protection et droits fondamentaux des majeurs protégés.

Par: Défenseur des droits de la République Française /

Publié le : 18 Octobre 2016

Le rapport est accessible via le lien situé à droite de cette page

Introduction du rapport

L’augmentation du nombre de majeurs n’étant plus en mesure de pourvoir à leurs intérêts a contraint le législateur à revenir, en 2007, sur le dispositif de la loi du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs. Entrée en vigueur le 1er janvier 2009, la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a profondément rénové le régime de la protection de ces derniers, avec pour ambition de réguler l’augmentation du nombre de mesures, d’harmoniser les pratiques des acteurs tutélaires et d’offrir une meilleure prise en charge de la vulnérabilité. Aujourd’hui, la question de la protection juridique des majeurs vulnérables affecte de façon prégnante la vie d’un nombre croissant de personnes en situation de fragilité, de leurs familles ainsi que de l’ensemble des intervenants professionnels qui exercent dans le champ de la protection. Cette augmentation du nombre de personnes protégées s’explique, notamment, par l’allongement de l’espérance de vie et l’apparition corrélative de troubles dégénératifs. On signalera également la meilleure prise en compte du handicap ainsi que les transformations de la cellule familiale comme autres causes de cet accroissement.

Ce sont ainsi près de 800.000 personnes qui, n’étant plus en situation de pourvoir à leurs intérêts en raison de l’altération de leurs facultés mentales ou corporelles, seraient bénéficiaires d’une mesure de protection, 360.000 étant gérées dans le cadre familial, 360.000 par des mandataires associatifs, 40.000 par des mandataires judiciaires à la protection des majeurs indépendants (MJPM) et 40 000 par des mandataires préposés d’établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux. Malgré ces chiffres, dont le Garde des sceaux se faisait déjà l’écho à l’occasion des débats parlementaires de 2007, le Défenseur des droits déplore néanmoins le peu de données disponibles afférentes au nombre exact de personnes protégées, à leur profil ainsi qu’à l’action des acteurs tutélaires.

Dès avant la réforme de 2007, la question de la protection juridique des majeurs vulnérables a fait l’objet d’une attention continue du Médiateur de la République. Le Défenseur des droits poursuit cette action, dans le cadre de sa mission de défense des usagers dans leurs relations avec les services publics, en veillant à ce que le régime de protection des majeurs vulnérables soit adapté et respectueux des droits et libertés des personnes concernées. En matière de lutte contre les discriminations, les réclamations reçues par le Défenseur des droits mettent en lumière les inégalités de traitement pouvant affecter les majeurs en raison de leur handicap, de leur état de santé, de leur âge ou, depuis la promulgation de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, de leur perte d’autonomie.

Dans ses analyses et recommandations, le Défenseur des droits s’appuie sur les réclamations concernant les majeurs protégés qui lui sont adressées, qu’il s’agisse des réclamations traitées par les services du siège ou par l’un des 400 délégués du Défenseur des droits présent dans l’un des points d’accueil répartis sur l’ensemble du territoire. Le Défenseur des droits a ainsi pu relever un certain nombre de difficultés récurrentes.
Celles-ci concernent notamment :
• des contestations de placement sous mesure de protection par le majeur protégé ;
• des problèmes de gestion de la mesure de protection : retard dans le paiement des loyers, impôts, gestion des comptes bancaires (…) ;
• des contestations des comptes de gestion ;
• des absences de réponse du juge ;
• des contestations du montant des sommes allouées aux majeurs protégés par le curateur ou le tuteur ;
• des contestations de la nomination du MJPM, notamment lorsque les familles souhaitent gérer la mesure de protection ;
• des difficultés rencontrées par des majeurs sous mesure de curatelle qui sont accueillis dans des établissements de soins situés dans un pays limitrophe ;
• des difficultés liées à la mise en oeuvre du mandat de protection future ;
• des difficultés d’appréciation du passage de l’aptitude à l’inaptitude (…).
Par ailleurs, dans le cadre de sa mission de promotion de l’égalité et d’accès aux droits, le Défenseur des droits a vocation à contribuer au changement des pratiques et, le cas échéant, à proposer des réformes.
C’est à ce titre qu’en 2012, le Défenseur des droits a été appelé à préfacer le Livre blanc sur la protection juridique des majeurs, avec la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), la Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT), l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI) et avec la participation d’associations de mandataires publics ou privés (association nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs,..). Destiné à mieux faire connaître la protection juridique des majeurs, ce Livre blanc a notamment permis d’appeler l’attention des pouvoirs publics sur une première série de préconisations visant à l’amélioration du dispositif institué par la loi du 5 mars 2007, à savoir : l’extension du principe de subsidiarité à l’indemnité complémentaire, l’organisation de la justice de la protection des majeurs en s’inspirant du modèle de la justice des mineurs, la possibilité de prélever la participation financière des personnes protégées par un tiers (Trésor public) et non par le mandataire judiciaire, etc.
De même, le 11 avril 2013, le Défenseur des droits a adopté une recommandation générale (Décision n° MSP-MLD- 2013-53), soulignant l’importance de promouvoir les droits de la personne âgée, afin de lui permettre de demeurer « actrice » des décisions la concernant, malgré les déclins cognitifs pouvant l’affecter.

Le Défenseur des droits a par ailleurs organisé, en novembre 2013, une table ronde consacrée aux droits des personnes âgées vulnérables hébergées en EHPAD. A cette occasion, il s’est notamment attaché à rappeler la nécessité de promouvoir les notions d’anticipation (avec la promotion du mandat de protection future), de collégialité (afin de lutter contre la logique de contrat d’adhésion) et de réactualisation (le déclin cognitif pouvant être passager, il importe de réévaluer le dispositif choisi) afin de favoriser la mise au jour d’un consentement libre et éclairé.
Le 20 mars 2014, le Défenseur des droits a organisé un colloque portant sur les droits fondamentaux et l’avancée en âge, afin de nourrir la concertation lancée par le gouvernement dans le cadre du projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement.
Enfin, le 10 décembre 2015, le Défenseur des droits était partenaire, aux côtés du Ministère de la Justice et de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (FEGAPEI), de l’organisation d’un séminaire à destination des magistrats et des greffiers, dans le cadre du projet « Access to Justice for Persons with Intellectual Disabilities/Accès à la justice pour les personnes ayant une déficience intellectuelle » (AJuPID) financé par la Commission Européenne. Ce projet visait à identifier les pratiques de cinq pays européens – la Bulgarie, la Finlande, la France, la Hongrie et l’Irlande – allant dans le sens d’une égale reconnaissance devant la loi et l’accès à la justice des personnes ayant une déficience intellectuelle.
Par ailleurs, le Défenseur des droits a été désigné par le Gouvernement comme mécanisme indépendant chargé du suivi de l’application de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). Il assure, à ce titre, au sein d’un dispositif national de suivi, une mission de protection, de promotion et de suivi de l’application de la Convention.
La mission de protection consiste à accompagner, en toute indépendance, les personnes handicapées dans la connaissance et la défense de leurs droits. Il s’agit, pour le Défenseur des droits, de l’ensemble de ses activités liées au traitement des réclamations individuelles : accès aux droits (information, conseil, réorientation), médiation, recommandation, observations devant les juridictions, transaction, etc. A ce titre, il lui appartient, notamment :
• d’intégrer la CIDPH comme norme juridique à part entière dans le traitement des réclamations ;
• de faire évoluer l’interprétation du droit par les juridictions à la lumière des principes inscrits dans la CIDPH à l’occasion, notamment, des observations présentées devant les tribunaux ;
• d’émettre des recommandations à l’égard des pouvoirs publics pour modifier, abroger ou abolir les lois, règlements, pratiques qui seraient sources de discriminations envers les personnes handicapées.

La mission de promotion consiste, en lien avec la société civile et l’État, à sensibiliser les personnes handicapées ainsi que les différents acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des droits garantis par la CIDPH (organismes publics et parapublics, associations, décideurs, élus, avocats, magistrats, etc.) à l’existence même de la Convention, aux droits qu’elle contient, à la portée juridique de la Convention, à ses impacts en matière de politiques publiques, etc.

La mission de suivi de l’application de la CIDPH consiste à veiller à la conformité de la législation, des politiques publiques et des pratiques mises en oeuvre par les différents acteurs, publics et privés, aux stipulations de la Convention. Il s’agit, notamment, pour le Défenseur des droits d’assurer une veille juridique, de participer à la définition d’orientations stratégiques, de formuler des recommandations en vue de modifier les pratiques et de faire des propositions de réformes, etc.
Dans le cadre du suivi de la Convention, le Défenseur des droits coordonne un Comité de suivi, constitué de représentants du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes et internationales (CFHE), du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et du Comité interministériel du handicap (CIH).
En tant que mécanisme indépendant, le Défenseur des droits a vocation à élaborer un rapport alternatif destiné à éclairer le Comité des droits de l’ONU sur la mise en oeuvre de la CIDPH par la France, s’agissant notamment de la conformité de la législation et de pratiques avec l’article 12 de la convention relatif à la « Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité ».


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