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Responsabilité et prise de décision dans le cadre d'un Institut de formation en soins infirmiers
Comment prendre une décision en IFSI, sachant que celle-ci impactera à la fois le formateur et l'étudiant, et pourra potentiellement faire jurisprudence. Quelles sont les responsabilités du Directeur de l'institut dans ce domaine ?
Par: Dominique Champenois, Directrice, IFSI du groupe hospitalier Cochin-La Rochefoucauld, AP-HP /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique n°15-16-17-18, 2002. Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
L'exemplarité de la décision
En tant que directeur d'école paramédicale (EPM), l'association de ces deux termes — responsabilité et prise de décision — renvoie aux problématiques suivantes. Comment assumer ma responsabilité, réussir à prendre les décisions que je juge nécessaires, ou qui s'imposent à moi ? comment trancher pour permettre aux formateurs d'exercer leur métier en confiance, oser prendre des risque ? Il s'agit de pouvoir être acteur dans le face à face pédagogique, et d'accompagner les étudiants dans un apprentissage difficile.
Dans une institution — qui plus est de formation — toute décision du responsable est, de par sa visibilité, susceptible d'être ensuite critiquée et discutée. Elle doit donc répondre à différentes conditions, en particulier s'opposer à l'arbitraire et respecter les exigences d'équité entre les individus.
Par ailleurs, la décision est certes visible en elle-même, au moment où elle est communiquée, mais aussi — et c'est là où la responsabilité du Directeur est davantage encore engagée —, dans ses conséquences possibles, difficiles à envisager d'emblée dans leur totalité.
Cette décision risque de faire " jurisprudence ", et renvoie à l'exemplarité de la décision.
L'évaluation des étudiants et des élèves constitue un aspect capital, mais aussi critique, en terme de risque de notre dispositif de formation. Il s'agit d'un domaine pour lequel les questions de responsabilité et de prise de décision sont pour le directeur d'EPM particulièrement interrogées.
Bien sûr, ce dispositif d'évaluation se réfère à une réglementation et des textes précis, s'appuie sur la construction et l'utilisation d'outils et de grilles, tout ceci ayant pour objectif d'augmenter la transparence et la rationalité du dispositif pour l'ensemble des personnes concernées. Mais ce dispositif est aussi mis en oeuvre au quotidien, par des individus " singuliers ", formateurs et soignants, membres de jurys de mises en situation professionnelles par exemple, et s'adresse à des apprenants tout aussi singuliers. Ces évaluations dites cliniques s'effectuent dans un contexte (lieu et moment), plus ou moins stimulant pour l'étudiant, et dans un lieu dont les modes habituels de fonctionnement ne sont pas toujours en conformité avec les normes prescrites du travail technique.
Ce sont évidemment les situations les plus problématiques qui vont nous permettre ensuite d'identifier les limites du dispositif et de renforcer alors le travail d'équipe et de partenariat avec le terrain, autour de cette question. De nous interroger en tant que directeur sur les principes et les fondements habituels de nos décisions.
Un cas d'évaluation clinique
J'ai choisi d'illustrer ces questions par une situation d'évaluation clinique faite récemment, et pour laquelle j'ai eu à décider, et donc à exercer ma responsabilité de directeur d'école paramédicale.
Une élève aide-soignante a, lors d'une mise en situation professionnelle — par ailleurs de bonne qualité —, donné un médicament à un nouveau-né, c'est-à-dire réalisé un soin prescrit. Or ce type de soin ne peut être délégué par une infirmière à une aide-soignante et ne peut donc être réalisé par cette dernière. La note 0 a donc logiquement été attribuée au soin.
L'évaluation était réalisée, ce jour-là, conjointement par une aide-soignante du service et un nouveau formateur qui, face à la difficulté de la décision, allait se raccrocher à la règle prescrite, stricto-sensu.
Pourtant, dans cette unité de soins, les aides-soignantes distribuent au quotidien ce type de médicaments. D'autre part, cette élève était confrontée, depuis le début de sa formation, à une situation personnelle et familiale très difficile et investissait de ce fait beaucoup dans les résultats obtenus.
Informée de sa note, l'élève argumenta l'injustice et sollicita auprès de moi un rendez-vous.
De retour de stage, le formateur exprima pour sa part sa difficulté face à la situation, justifia sa décision par des arguments tout à fait rationnels, tout en faisant part de son malaise vis-à-vis de l'élève, du service (qui n'approuvait pas, a posteriori et un animement cette décision), et de moi-même (car il doutait de sa compétence de formateur).
La décision prise était-elle équitable vis-à-vis de cette élève ? Dans le cas contraire, pouvait-on revenir sur cette décision et si oui, comment et avec quelles conséquences ?
Les enjeux
En dehors même de la situation de cette élève, les enjeux étaient liés à la visibilité de la décision que je prendrais ou que je ne prendrais pas (refaire ou non cette évaluation). J'ai donc essayé de préciser la situation.
- Quelle allait être la position de ce nouveau formateur sur ce terrain de stage ? Quelle serait sa légitimité ?
- Quelles seront les conséquences personnelles pour ce jeune formateur plongé dans l'apprentissage d'un nouveau métier, avec toute l'insécurité que cela suppose ?
- Quelle serait la réaction des autres élèves ? (Toute mauvaise note deviendrait-elle discutable ?)
- Quelles seraient les réactions possibles des autres formateurs, qui risqueraient de considérer mon intervention comme un désaveu de leur responsabilité et de leur compétence d'évaluateur ?
- N'y avait-il pas risque de banalisation par rapport à l'acte réalisé ? (un soin prescrit par un médecin pourrait être effectué par une aide soignante.)
Compte tenu de tous ces éléments, ou malgré eux, j'ai décidé que soit refaite cette évaluation, et ceci par le même formateur. Mes préoccupations étaient alors les suivantes.
- Comment accompagner, expliquer cette décision à l'élève ? quel sens lui donner ? Comment lui permettre de réfléchir, de prendre de la distance par rapport à cette situation ?
- Comment accompagner cette décision auprès du formateur concerné et de l'équipe ? Il fallait absolument préserver le sentiment de crédibilité pour ce jeune formateur, en lien avec celui de sécurité indispensable au développement de la compétence. Maintenir également la relation de confiance entre nous, chacun ayant le droit à l'erreur.
- Comment communiquer cette décision au service et parvenir à argumenter la responsabilité de chacun dans l'organisation des soins et le respect de la réglementation ?
Gérer ce type de situation, permet sans doute à un directeur d'EPM d'intégrer la dimension particulière des situations, de faire appel à sa conscience personnelle, d'exercer son jugement, d'aller au-delà des textes réglementaires et des procédures, en conformité avec des valeurs, et d'éviter, si possible, le risque d'abus de pouvoir.