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Responsabilités partagées et communes
"Mesurer le “bien mourir” dans nos hôpitaux relève presque de l'absurde car il faudrait pouvoir parler suffisamment à l'avance avec le patient de ses souhaits profonds quant à la façon d'organiser sa fin de vie, de préparer et de conduire sa mort."
Par: Michel Bilis, Directeur de l’Inspection et de l’Audit, AP-HP /
Publié le : 17 juin 2003
Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique n°9-10-11, "Fins de vie et pratiques soignantes". Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.
Le “bien mourir” : l'affaire de tous
Dans ces moments éminemment complexes que sont les “fins de vie”, il est absolument nécessaire que les responsabilités soient partagées ou plutôt communes, ce qui n'est pas rigoureusement la même chose. Partagées et communes, les responsabilités ne peuvent cependant se limiter aux personnels infirmiers, aussi je préfère que l'on traite des responsabilités communes des équipes soignantes (médicales, infirmières et aides-soignantes) en fin de vie, organisées autour de la responsabilité de la personne mourante, chaque fois que cela est possible, et surtout quand elle nous y invite. Résonances de l'actualité ? Toujours est-il que le thème de la “mort très douce” pour reprendre l'expression de Simone de Beauvoir donne lieu à de nombreux débats médiatiques, alimentés par plusieurs publications. Depuis une dizaine d'années, la réflexion relayée par des recommandations ministérielles sur les soins palliatifs, l'accompagnement de la fin de vie et la mort à l'hôpital a véritablement droit de cité à l'hôpital et dans la société. Droit de cité ne signifie pas nécessairement accomplissement, inscription effective dans la réalité quotidienne. Reconnaissons qu'il ne peut pas véritablement y avoir de protocole de la mort bien accomplie à l'hôpital.
Reconnaissons aussi que cette démarche relève d'un état d'esprit, elle ne saurait non plus se limiter à un état d'esprit. Chaque individu est unique et le rapport de chaque individu à la mort, du malade comme du soignant, est unique. Et puis, il y a aussi les proches du mourant, cette nébuleuse pleine de contradictions où chacun manifeste, vis-à-vis de la mort, une perception, une appréhension qui est rarement en symbiose avec celle du mourant.
La réflexion sur les soins palliatifs s'est incontestablement frayée une place croissante dans les hôpitaux, mais l'organisation et la réalisation des soins palliatifs demeurent un point d'achoppement.
Mesurer le “bien mourir” dans nos hôpitaux relève presque de l'absurde car il faudrait pouvoir parler suffisamment à l'avance avec le patient de ses souhaits profonds quant à la façon d'organiser sa fin de vie, de préparer et de conduire sa mort. Puisqu'il s'agit ici de respect et de dignité de la fin de vie, on perçoit que cela a trait au moins au fait de calmer la souffrance physique, psychique et spirituelle et, si cela est également possible, de lutter contre l'abandon, la solitude tout en respectant l'aspiration à l'intimité voire à la solitude qui peut aussi s'exprimer chez certains.
Responsabilités partagées et communes des soignants face aux personnes en fin de vie signifie, selon moi, le contraire des responsabilités spécialisées des soignants sur la fin de vie. Les unités et les équipes de soins palliatifs ont l'immense mérite d'avoir fait progresser la réflexion. Toutefois, le fait qu'elles se spécialisent et surtout qu'elles se pérennisent peut signifier que les responsabilités ne sont pas réellement partagées. Il faut réellement œuvrer à construire dans chaque service une réalité qui rende caduque l'existence d'unités et d'équipes spécialisées en soins palliatifs. Pour y parvenir, il faut s'appuyer au maximum sur les équipes de soins palliatifs tout en les préparant à savoir « passer la main » à chaque unité de soin concernée.