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Supporter toute cette souffrance tant physique que psychique
"On peut rire de tout, mais sous réserve de ne pas s'acharner sur autrui et faire mal gratuitement. Tous les jours, nous souffrons d'une dégénérescence chronique dont on ne connait pas encore les causes. Il est inutile d'en rajouter. Par réaction de honte, le patient risque de s'enfermer dans un mutisme intérieur et extérieur"
Par: Jean-Paul Wagner, Président honoraire de la Fédération française des groupements de parkinsoniens (FFGP), animateur du site vivreavecparkinson /
Publié le : 03 juin 2015
Rester digne dans la maîtrise d'une maladie comme celle de Parkinson est une étape nécessaire sur le parcours de soins du patient. Je me demande comment j'ai pu, jusqu'à présent, supporter toute cette souffrance tant physique que psychique.
C'est surtout le regard des autres, illustré ou non de propos moqueurs, qui fait mal. Ainsi, il m'est arrivé dans une de mes crises de tremblements d'entendre des réflexions me traitant de dément ou d'alcoolique.
On peut rire de tout, mais sous réserve de ne pas s'acharner sur autrui et faire mal gratuitement. Tous les jours, nous souffrons d'une dégénérescence chronique dont on ne connait pas encore les causes. Il est inutile d'en rajouter. Par réaction de honte, le patient risque de s'enfermer dans un mutisme intérieur et extérieur, pour en fin de compte, volontairement s'isoler et se laisser aller à vau-l'eau, perdant ainsi toute autonomie. La peur va se manifester comme le jour où le neurologue m'a annoncé trop abruptement la terrible nouvelle. De plus l'évolution probable de la chronicité de la maladie ne rassure pas.
Au fil du parcours de soin, le corps médical ne prend pas toujours la mesure des besoins du malade. Lors d'un colloque, à ma question sur l'insomnie il m'a été répondu : « Vous n'avez qu'a compter les moutons. » À une autre interrogation sur la constipation, une neurologue me réplique : « Buvez un verre d'eau le matin à jeun… »
Il existe encore des médecins qui ne proposent pas la déclaration de l’affection de longue durée (ALD) permettant un remboursement à 100 % de la Sécurité Sociale et donc ne reconnaissent pas le handicap.
C'est certainement par peur qu'au cours d'un repas de fête en famille, un parent, constatant que j'ai du mal à couper le morceau de viande dans mon assiette, lance d'une voix forte : « Hé ! Le parkinsonien, pas de ça chez nous… »
C'est certainement par ignorance que remarquant la dyskinésie de ma tête, un participant d'une réunion philosophique me confia avec un sourire narquois : « Tu te prends pour le Christ en croix ! »
Certes, l'avenir de l'homme est la mort mais, en prenant en compte l'espérance de vie du parkinsonien (trois ans de moins qu'un bien-portant), dans quelles conditions ?
En attendant, je suis en conflit entre moi et moi, entre mon corps et mon esprit. Je connais mon ennemie que j'ai nommée Miss Park. Elle s'est insinuée dans mon corps sans mon consentement. C'est "Park, la non désirée".
Ce n'est pas parce que je suis devenu parkinsonien contre mon gré que j'ai perdu ma qualité d'homme. À titre d'exemple je revendique des droits : pas de discrimination à l'accès à l'emploi, mais pas non plus de licenciement pour cause de maladie. Dans un cas d'hospitalisation, l’impossibilité de produire l'ordonnance ne doit pas faire obstacle à la prise à intervalle régulier des médicaments. Des témoignages nous sont parvenus sur la rupture de soin.
Certains laboratoires pharmaceutiques décident la rupture de stock de manière abrupte et unilatérale... La logique de l'industriel n'est pas toujours soucieuse des questions de santé !
Dans le futur, il sera nécessaire de lutter contre les préjugés encore trop nourris d'ignorance et de peur. De véritables plans d'action devront être mis en œuvre pour donner dignement du sens au « vivre ensemble ».