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Deuxième édition du cycle Ethique et santé publique

Captation de la journée organisée le 11 janvier 2021 en partenariat avec l'Espace éthique Île-de-France, l'Université Paris-Saclay, le CESP (Centre de recherche en Épidémiologie et Santé des Populations, Inserm), l'EST (Etude sur les sciences et les techniques)

Par: Espace éthique/IDF /

Publié le : 17 Février 2021

L'éthique de la santé publique est un champ peu exploré en France au contraire de l'éthique du soin ou de l'éthique de la recherche. Les sujets de questionnement éthique propres à la santé publique ne manquent pourtant pas, comme en ont témoigné ces derniers mois de crise sanitaire. Citons-en ici quelques exemples : comment justifier le dépistage pour telle ou telle maladie à une population entière ? Que signifie "éduquer" à la santé ou "responsabiliser" les usagers ? Quelles responsabilités civiles peut-on ou doit-on mobiliser au service de la santé publique ? Au nom de quelles valeurs ou principes sont combattues ou au contraire tolérées les inégalités de santé grandissantes en France et dans le monde ? En période de crise sanitaire, jusqu'où peut-on légitimer les restrictions aux libertés individuelles au nom de la santé collective et de la protection des plus vulnérables ? Tels sont les exemples de questionnements éthiques qu'il conviendra d'identifier et d'éclairer durant ces journées.

Pour chacun de ces questionnements, il s'agira de progresser dans la formulation et la résolution des dilemmes ou des tensions éthiques qui se posent dans des contextes d'incertitude où une décision s'impose. Mais l'enjeu de ces journées sera aussi, dans une perspective plus théorique, d'analyser les valeurs charriées par les concepts propres à la santé publique: "population", "dépistage", "démocratie sanitaire", etc.

Ces journées sont coordonnées par Anne-Caroline Clause-Verdreau (Observatoire des pratiques éthiques, Espace éthique de la région Ile-de-France), Alexia Jolivet (Maîtresse de conférences en sciences de l'information et de la communication, UR Etudes sur les Sciences et les Techniques, Université Paris-Saclay) et Paul-Loup Weil-Dubuc (Pôle recherche, Espace éthique de la région Ile-de-France). 

Programme

Programme

Matinée : 9h30-12h30
 
9h30 - 9h45 : Introduction par Paul-Loup Weil-Dubuc
 
9h45-10h30 : Karine Lefeuvre, Professeur de droit, École des Hautes Études en Santé Publique, Présidente intérimaire du Comité Consultatif National d’Éthique
 
10h30-10h45 : pause
 
10h45-12h15 : Articulation Local/National : de l’injonction à la jonction ?
Modératrice : Alexia Jolivet
  • Nadine Haschar-Noé (sous réserve), sociologue, membre du Centre de Recherches Sciences Sociales Sports et Corps (CreSCo, E47419), du Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LaSSP, EA4175), de l’Institut Fédératif d’Etudes et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société (IFERISS, FED 4142), Université de Toulouse.
  • Cédric Arcos, Directeur Général Adjoint de la région Île-de-France
  • Bernard Elghozi, médecin généraliste à Créteil, président Créteil Solidarité
  • Jean-François Thébaut, Vice-Président de la Fédération Française des Diabétiques
 
La dernière « loi de modernisation » de notre système de santé institue la médecine de proximité comme l’une de ses priorités, revendiquant une structuration au plus près des territoires et encourageant les initiatives de la part des acteurs du terrain. Elle prolonge une stratégie d’un gouvernement des/par les territoires, qui fut portée par les Contrats locaux de Santé et dont de nombreux travaux ont souligné les vicissitudes de leur négociation. Plus récemment, si ces derniers mois marqués par le COVID-19, ont pu mettre en lumière des modes de coopération nouveaux ou réinvestis (par exemple l’interaction médecin généraliste/pharmacien), ils furent également l’occasion de nombreux bricolages – au sens de De Certeau - pour les professionnels de santé, les exposant à des questionnements éthiques autour de leur liberté d’adaptation. Ces quelques exemples nous invitent à nous pencher sur cette friction du national avec le local.
 
Des premiers enjeux plus évidents d’articulation et de coopération nous interpellent sur les formes de jonction à l’œuvre. Quelles figures de la santé actent-elles dès lors : celle d’une santé liée et renforcée dans l’action collective ou d’une santé dissolue et déresponsabilisée ? L’injonction serait un deuxième temps de notre réflexion. Face aux imprécations descendantes, la complexité des situations, l’autonomie permise ou revendiquée des acteurs, les enjeux de régulation et d’évaluation, engagent les parties prenantes dans des jeux de négociation qui posent au quotidien les possibles d’une plasticité des pratiques et de l’acceptabilité. L’articulation du local/national s’entrevoit-elle selon le prisme seul de la substitution ou de la complémentarité ? L’inflexion, la traduction ouvriraient-elles les voies vers un dernier temps, celui de la disjonction ?
 
 
Après-midi : 14h-16h30
 
14h-14h45 : Frédéric Keck, Anthropologue, Directeur de recherche au CNRS, Directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France, CNRS, EHESS)
 
14h45-15h : Pause
 
15-16h30 : Face au risque épidémique de la covid-19, quelles stratégies individuelles d'adaptation ?
Modératrice : Anne-Caroline Clause-Verdreau
  • Sébastien Claeys, Responsable de la médiation à l’Espace éthique de la région Ile-de-France
  • Alexis Ardoin, Médecin de veille et sécurité sanitaire chez Agence Régionale de Santé Ile-de-France
  • Clément Tarantini, Chercheur post-doctorant en anthropologie, programme COVID-ETHICS, Espace éthique de la région Ile-de-France, CESP U1018, Inserm/Paris-Saclay
 
Depuis l'arrivée de la covid-19, la peur de la contamination est venue bouleverser notre rapport à l'autre. Étymologiquement, le mot "contagion" signifie "toucher avec". Dans notre vie sociale, le toucher contribue à la nature et à l'intensité des liens que nous tissons. Les règles de la distanciation physique - dite "sociale" - supposent de bannir toute poignée de main, embrassade ou bise, tous ces gestes rituels qui jouent un rôle non négligeable dans notre vie rythmée par le contact avec l'autre. Mais une maladie contagieuse comme la covid-19 vient rebattre les cartes de notre rapport à autrui : le fait que chacun d'entre nous devienne à la fois une possible victime et une menace potentielle peut nous inciter à nous isoler les uns des autres.
Si la pandémie est un phénomène collectif qui impacte tout le monde, force est de constater que le vécu expérientiel de ces derniers mois peut être extrêmement variable d'une personnne à une autre et que chacun, individuellement, aura une perception du risque qui lui est propre. Cette perception du risque est influencée par tout un ensemble de facteurs : l'âge, le milieu socio-économique et culturel, le statut de personne à risque, l'expérience de la maladie ou du décès d'un proche, les traumatismes antérieurs, etc. Ainsi, la peur d'être contaminé et/ou d'être vecteur de contamination sera plus ou moins prégnante selon les individus et il en résultera des niveaux de vigilance et des stratégies différentes, voire divergentes, d'adaptation au risque. Concrètement, selon leur degré de perception du risque, les individus seront plus ou moins disposés à mettre de côté certains plaisirs immédiats, voire à sacrifier leur vie privée, au nom de la protection du bien commun. En somme, chacun est amené à réaliser un arbitrage intime avec, bien souvent, une repondération de ses différentes valeurs les unes par rapport aux autres, compte tenu des circonstances nouvelles.
Tous ces arbitrages individuels ont des conséquences sur les courbes de l'épidémie et le sort d'une population. Dès lors, les pouvoirs publics ont une responsabilité vis-à-vis de ces stratégies individuelles d'adaptation. Dans quelle mesure les recommandations sanitaires peuvent et doivent influer sur les comportements ? Quelles sont les stratégies les plus efficaces pour lutter contre la pandémie ? Que penser de la mise en place de règles sanitaires très strictes assorties de menaces de sanctions ? Peut-on faire confiance aux gens dans leur capacité à faire attention à l'autre ? Quelles stratégies de communication en santé publique faudrait-il développer pour cultiver cette attention à l'autre ?
 
16h30 : Conclusions