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Fabriquer l'éthique en temps de crise. Perspectives interdisciplinaires et retour d'expériences de la pandémie COVID-19

Captation du colloque organisé dans le cadre du projet ANR COVID-ETHICS, le 13 juin 2022 à l'Institut Imagine.

Par: Espace éthique/IDF /

Publié le : 30 juin 2022

Détails de l'évènement et programme

Coordination scientifique du colloque :

Léo Coutellec - Maître de Conférences en philosophie des sciences à l'Université Paris-Saclay. Directeur de l'équipe "Recherches en éthique et épistémologie" (Université Paris-Saclay, INSERM, CESP U1018), coordinateur du projet ANR COVID-ETHICS
Clément Tarantini – Anthropologue, postdoctorant Institut Pasteur/CeRIS, "Recherches en éthique et épistémologie" (Université Paris-Saclay, INSERM, CESP U1018)
 
Toute crise majeure, soit-elle sanitaire, est un accélérateur et un révélateur de dilemmes éthiques, un exercice grandeur nature de hiérarchisation de valeurs et de finalités. Au cœur des crises, l'éthique se fabrique précisément parce que celles-ci révèlent la fragilité de nos structures de raisonnement et de nos pratiques, à toutes les échelles – personnelle, familiale, sociale, mondiale. Raison pour laquelle, un engagement analytique et critique vis-à-vis de la pandémie COVID-19 est indispensable pour mieux en comprendre les dimensions éthiques et ainsi renforcer nos capacités d'anticipation et la pertinence des interventions. Ce qui a été mis en avant par les travaux en éthique durant cette période, c'est la capacité d’innovation éthique des acteurs en situation extrême. Une thématique que nous mettons au cœur de ce colloque : en situation d'exception et parfois de chaos, l'éthique se fabrique depuis et dans les situations concrètes. Il ne s'agit plus seulement, en temps de crise, de faire avec une éthique de l’arbitrage des valeurs ou des principes, une éthique du jugement moral des actions, mais une éthique transformée radicalement par la situation, une éthique refondée dans l'exception sans pour autant devenir une éthique d'exception. Ce que nous cherchons à montrer dans ce colloque, c'est l'effectivité en temps de crise de la construction d'une telle éthique situationnelle et contextuelle à même d'accompagner l'imprévisible de la contingence. Nous interrogeons l'effectivité d'une fabrique de l'éthique, ses potentiels, ses limites et sa complémentarité avec une éthique plus classique des arbitrages axiologiques.
 

Programme
 

Accueil participant : 9h00-9h30
 
9h30-9h45 - Introduction
Léo Coutellec & Clément Tarantini
 

Traverser au mieux l'expérience éthique. Retours sur une enquête menée au cours de la première vague de la Covid-19

Anne-Caroline Clause-Verdreau, médecin de santé publique, responsable de l'observatoire des pratiques éthiques, Espace de réflexion éthique Ile-de-France
Paul-Loup Weil-Dubuc, responsable du pôle recherche, Espace de réflexion éthique Ile-de-France, CESP U1018 (Inserm/Paris-Saclay)
 
À partir d'une enquête menée auprès de trente-huit professionnels du soin et de l'accompagnement, nous mettons en évidence diverses formes d'expérience éthique parmi lesquelles il importe éthiquement de bien distinguer entre celles qui impliquent un pouvoir d'agir et celles qui impliquent la nécessité de subir. Nous montrons qu'il existe, face à ces expériences éthiques, différentes ressources adaptatives qui supposent respectivement de composer avec la situation, de la transformer, de la supporter ou de s'en retirer. L'enjeu éthique se dessine alors nettement : il conviendrait de maximiser et de pluraliser les ressources adaptatives des individus.
 

Retour sur une récente révision du cadre de gouvernance : sur les coordinations locales réinstaurées dans les CHSLD du Québec

Alain Letourneau, Professeur titulaire, département de philosophie et d’éthique appliquée, Université de Sherbrooke, Canada
 
Pour cette présentation le contexte sera celui du réseau québécois de la santé qui est encore confronté comme le reste de la planète aux effets du SRAS-CoV-2. La situation étudiée sera la première vague de la pandémie, en particulier l’analyse des événements dans les Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD). En s’arrimant sur l’analyse de situation, la réflexion éthique peut quelques fois déboucher sur des recommandations ou sur l’action. Ce qui suppose de relever, lorsque cela est requis, le caractère systémique des difficultés et des erreurs, comme cela semble bien être le cas ici. Des évaluations fondées sur des enquêtes, des faits et des témoignages avérés, ont conduit à des redressements récents. Ce qui concerne la décentralisation et l’attribution de coordinations locales retiendra l'attention. Cet épisode aura donné lieu à une nouvelle vérification des défauts de l’hospitalo-centrisme. À cet effet, parmi d’autres sources, le Rapport du Protecteur du citoyen déposé auprès du Gouvernement du Québec le 23 novembre 2021, après un premier Rapport d’étape qui avait été rendu public en décembre 2020 seront des documents de référence. Ces processus de réajustement sont tout de même gages d’une capacité à tirer des leçons de situations difficiles, ce qui représente un gain épistémique notamment pour l’éthique appliquée, bien qu’encore ici, la faiblesse à être efficace dans le volet de la prévention s’est de nouveau avérée.
 
11h15-11h30 : Pause
 

L’éthique clinique en temps de crise : de la disparition de la voix des patients à la nécessité de réaffirmer les droits des malades et la démocratie sanitaire

Milena Maglio et Virginie Faidherbe, Centre d'éthique clinique de l'APHP
 
Lors du 1er confinement national, le Centre d'Ethique Clinique (CEC) a décidé de poursuivre son activité de consultation et d’initier, parallèlement, une étude d’éthique clinique, en trois temps, à propos des questionnements éthiques de premiers concernés (patients, proches, soignants). Dans cette intervention, il s’agit de comparer et de suivre l’évolution de leurs questionnements. Au fil des trois temps, et des interlocuteurs (d’abord en majorité des soignants ou des professionnels du médico-social, puis des proches et des patients), l’on se trouve confrontés à des caractérisations différentes de la crise (crise de la certitude, crise de l’habituel, crise de l’information et de la communication) qui ont obligé à repenser, au fur et à mesure, la responsabilité (médicale) et ses frontières. Alors que le 1er temps de l’étude a été marquée par l’absence de la voix de patients et une reconnaissance (presque unanime) de la responsabilité des médecins à l’égard des décisions et des choix faits (en termes de priorisation ou des risques de contamination), les « relectures éthiques » ont révélé un certain malaise éthique par rapport à ce rôle. Celui-ci tiendrait au fait d’avoir dû mettre de côté les droits de patients au nom de ce qu’on s’attendait d’eux (« sauver le plus grand nombre »). Les patients ou les proches, après avoir accepté des règles très contraignantes au nom du caractère exceptionnel de la pandémie, évoquent une limite à cette acceptation et rapportent un élément ou un événement où le seuil a été franchi face à quelques décisions médicales et contraintes institutionnelles. Ces différentes conceptions de la responsabilité que l’on voit s’esquisser en marge des trois temps de l’étude ont fortement conditionné la façon de concevoir, faire et fabriquer l’éthique dans les différents temps de la crise. L’« éthique collégiale » a montré ses limites, laissant un certain résidu moral aussi bien chez les professionnels que chez les patients ou les proches. En filigrane, c’est une conception de l’éthique inséparable des droits des patients et de la démocratie sanitaire que l’on voit se dessiner comme un enjeu prioritaire de l’issue de la crise.
 

L'éthique du tri pendant la pandémie de Covid-19, entre prise de conscience et mise à distance

Céline Lefève, Philosophe et co-directrice de l'Institut de la Personne en médecine
 
Cette intervention analysera comment, à l'occasion de la pandémie de Covid-19, les principes et questionnements relatifs à la priorisation et au tri en médecine ont été explicités et discutés, mais aussi évités et occultés.
 

« Fabriquer l’éthique » avec les acteurs de terrain : retour sur une mission ministérielle auprès des EHPAD en contexte de pandémie

Fabrice Gzil, professeur de l’École des hautes études en santé publique, directeur adjoint de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France, membre de l’équipe « Recherches en éthique et en épistémologie » du CESP (Inserm/Université Paris Saclay), membre du Comité consultatif national d'éthique
 
Comment soutenir la réflexion et l’engagement des professionnels du soin et de l’accompagnement dans un contexte de crise sanitaire ? Comment bâtir avec eux des repères pour que l’incertitude et la peur n’aient pas raison de l’humain? Cette intervention se concentrera sur les questions d’éthique que la pandémie a soulevées dans les établissements accueillant des personnes âgées, notamment dans les EHPAD. Elle reviendra sur la méthode et les principaux résultats d’une mission ministérielle sur le sujet. Nous en tirerons quelques enseignements sur la façon dont l’éthique peut être appelée à se renouveler pendant - et après - une crise sanitaire.
 
Pause - 15h30-15h45

Ethical challenges during the Covid-19 pandemic

Kathy Kinlaw, Emory Center for Ethics, Université d’Atlanta, Etats-Unis