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En temps de pandémie, s’engager dans une démarche éthique et responsable

"C’est parce qu’il concilie dans ses activités l’expertise pratique, l’implication concrète avec les approfondissements réflexifs, que l’Espace éthique propose des enseignements universitaires dont la qualité est reconnue au plan national. "

Par: Emmanuel Hirsch, Ancien directeur de l’Espace éthique de la région Île-de-France (1995-2022), Membre de l'Académie nationale de médecine / Virginie Ponelle, Co-directrice de l'Espace éthique/IDF / Fabrice Gzil, codirecteur de l'Espace éthique/IDF /

Publié le : 02 Août 2021

Mieux comprendre nos défis

Notre monde endeuillé et bouleversé par la déferlante d’une pandémie dont on ignore quelles en seront les conséquences sur la longue durée, affronte une crise globale. Nos sociétés ont dû, quand elles le pouvaient, improviser des ripostes sanitaires, organisationnelles et économiques afin de s’adapter aux défis dans l’urgence de décision souvent difficiles. Les populations des pays à revenu faible ou moyen ont été soumises sans recours à une violence accrue par les limites des capacités de systèmes de santé précaires, l’accroissement de la pauvreté et des fragilités sociales incontrôlables. Aujourd’hui, les difficultés d’accès à la vaccination accentuent l’injustice et l’exposition aux variations d’un virus plus contaminant et peut-être davantage pathogène demain.
 

« Jamais les situations critiques ne dispensent de la pensée éthique, n’affranchissent quiconque d’y recourir pour décider de ses actions et réactions. C’est même l’inverse, elles la rendent plus essentielle encore. À quoi servirait l’éthique dans un monde où tous les humains seraient compatissants, serviables et bons, où l’abondance et la sécurité dispenseraient d’avoir à arbitrer ? »

Axel Kahn, « Éthique en temps de crise », Blog, 22 avril 2020.L’équipe de l’Espace éthique dédie cette année universitaire 2021-2022 à la mémoire d’Axel Kahn

De tous temps, les épidémies ont été révélatrices de ce qui fonde une société et de sa capacité à faire front aux menaces extrêmes. Nous examinerons plus tard les valeurs d’exemplarité qui se sont exprimées à travers les solidarités de proximité et des engagements dont notre démocratie peut être fière. Il ne faudra pas pour autant dissimuler les manquement au souci du bien commun, les méthodes d’une gouvernance qui parfois a suscité la défiance publique, les controverses de toute nature notamment dans le champ de l’expertise scientifique. Nous avons à apprendre de ces circonstances sans précédent, et probablement à en tirer des enseignements afin de mieux nous préparer à d’autres risques notamment d’ordre environnemental.
Mais dans l’instant présent, notre devoir est d’adopter une position responsable, respectueuse des décisions éclairées par des savoirs avérés, reconnus et discutés au sein des instances représentatives. De toute évidence, opter pour le moindre mal ou le préférable est le choix restrictif qui s’impose à l’autorité publique. Encore est-il nécessaire de développer une pédagogie de la responsabilité partagée et aller vers les plus vulnérables à l’incapacité d’accéder à l’information pour éviter les suspicions et la contestation des mesures d’intérêt général.

L’exigence éthique aujourd’hui

Après ces quelques constats, une observation permettra de donner à comprendre, dans les circonstances actuelles, une forte demande d’éthique d’où émerge une exigence de sens, de repères, de rigueur et de mise en commun visant à mieux faire société, mieux anticiper, arbitrer, assumer, contrôler et accompagner les choix nécessaires.
Dans son avis n° 21-06 du 17 mai 2021, le Défenseur des droits réitère que « depuis le début de la crise sanitaire, le Défenseur des droits appelle le gouvernement à mettre à disposition les données sur lesquelles il fonde sa décision ». L’exigence d’argumentation est un principe intangible dans l’instruction d’un processus décisionnel qui se doit d’être loyal, transparent et proportionné pour être acceptable.
L’attention consacrée à l’intelligence du réel, la constitution de savoirs experts et profanes, la faculté d’en discuter afin d’en tirer des consensus favorables à la délibération publique, constituent les composantes indispensables d’une démarche éthique et responsable.
Depuis le début de la pandémie, l’équipe de Espace éthique Île-de-France développe son initiative « Covid-19 – se préparer, y répondre » À travers son réseau national (qui compte nombre de ses étudiants anciens ou actuels), il a mis en œuvre son « Observatoire Covid-19, éthique et société ». Cette initiative relève de la philosophie de l’Espace éthique créé en 1995 dans la dynamique des « années sida » qui contribueront à l’avènement de la démocratie en santé. Sa conception d’une éthique engagée, d’une éthique de terrain au service de la personne, du soin, de la recherche et de la société s’appuie sur une démarche universitaire en termes d’enseignements et de recherche1.
 

S’approprier des savoirs et compétences universitaires en éthique

C’est parce qu’il concilie dans ses activités l’expertise pratique, l’implication concrète avec les approfondissements réflexifs, que l’Espace éthique propose des enseignements universitaires dont la qualité est reconnue au plan national.
Au-delà d’un master « Éthique » doté de ses deux parcours « Éthique, soin, santé et société » et « Éthique, science recherche et société », les formations s’attachent à des thématiques d’une grande actualité dans le cadre des diplômes universitaires « Deuil et travail du deuil », « Éthique du numérique en santé », et le traditionnel « Éthique, soin, santé et société ». Chaque année, des étudiants ayant obtenu un engagent une recherche en éthique dans le cadre d’un doctorat.
C’est dire que chacun trouve sa place dans cet environnement universitaire, et découvre ainsi les territoires de l’éthique auprès d’enseignants soucieux de proposer une pédagogie éprouvée à travers les années tout en partageant avec les étudiants nos valeurs d’humanité.
Les professionnels qui exercent dans leur établissement ou leur service sanitaire, social ou médico social des missions de « référent éthique », seront particulièrement intéressés par des formations qui soutiennent la mise en œuvre et l’animation au long cours d’une démarche éthique de terrain. 
On l’a mieux compris ces derniers mois à travers de multiples sollicitations et la participation à nos initiatives notamment à distance, la préoccupation et le sens de l’éthique doivent s’approfondir dans un environnement respectueux des valeurs de chacun et soucieux de nos principes démocratiques. L’Espace éthique est un lieu propice à cette transmission, à ce partage des expériences et des savoirs, à l’acquisition de compétences en éthique à travers des approches pluridisciplinaires favorisant l’esprit critique.
Avec notre équipe, nous vous invitons à partager un engagement éthique et responsable dont nos formations universitaires permettent de mieux saisir la valeur, la signification, la pertinence et l’urgence.
1 Département de recherche en éthique de l’Université Paris-Saclay ; équipe de recherche en éthique et en épistémologie Cesp/Inserm/Paris-Saclay ; Revue française d’éthique appliquée.