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La loyauté implique-t-elle la transparence ? Le sens des mots
"Si la transparence, c'est-à-dire la sincérité dès le début, évite toute déloyauté, c'est qu'elle ne s'engage pas. Et c'est sans doute une solution saine pour le soignant, qui n'est ni l'ami, ni l'associé ni le proche et qui donc ne trahira pas ou juste un tout petit peu. Et qui aura pourtant à apaiser son malaise."
Par: Armelle Debru, Professeur d’histoire de la médecine, université Paris Descartes, Espace éthique/IDF /
Publié le : 12 Avril 2016
Ce texte a été rédigé dans le cadre du Forum La loyauté implique-t-elle la transparence ? le 13 avril 2016. En savoir plus.
Pour le dire simplement, la loyauté, dans le domaine personnel et moral qui nous intéresse, est une forme de lien. Un lien qui relie des personnes qui tiennent l'une à l'autre, mais, plus encore, qui "oblige". "Je suis votre obligé" disait-on autrefois. Aujourd'hui la force de cet engagement demeure, mais avec sa particularité de n'être pas dit mais d'être implicite : on ne jure pas loyauté à son proche, on ne la promet pas comme on le fait pour la fidélité, elle n'est plus dans un code, même d'honneur. C'est dans le silence que repose l'obligation morale d'être loyal, et dans nos consciences, que le temps et la sécurité peuvent doucement endormir.
Mais des circonstances peuvent secouer ce lien silencieux, et le mettre à mal. Cela peut commencer en pensée, par impatience, par réalisme. On en vient ainsi à tromper, mais à couvert. Déloyal est l'ami et non l'étranger, le confident, l'honnête, l'associé sur qui on a toujours compté. Impensable que ce soit le plus proche. Et d'ailleurs nul ne veut de cette terrible blessure. La déloyauté est donc plus fine que la trahison brutale : elle procède par demi mesures et petits mensonges, accommodements et compromis. Elle tente en réalité de gérer une crise de conscience qui ne sait à quoi se résoudre : que puis-je faire sans trahir, que dois je faire malgré tout?
Le danger est que l'autre se sente brusquement trahi dans sa confiance. Et voilà tout ce que nous redoutions qui arrive, tout ce que nous avons tramé qui s'effondre. Alors pour se protéger et l'en protéger, on est tenté d'accumuler mensonges sur mensonges : non on ne vous transfèrera pas, mais si, mais c'est dans une maison de santé, ou dans un établissement provisoire etc…. Est-il possible de faire autrement? Avouer que le lien qui oblige en fait n'oblige pas? Fallait-il y renoncer dès le début, mettre des bornes, des limites, interrompre ce que le temps et l'affection tissent subtilement? Cette obscurité là peut-elle se résoudre dans la transparence?
Si la transparence, c'est-à-dire la sincérité dès le début, évite toute déloyauté, c'est qu'elle ne s'engage pas. Et c'est sans doute une solution saine pour le soignant, qui n'est ni l'ami, ni l'associé ni le proche et qui donc ne trahira pas ou juste un tout petit peu. Et qui aura pourtant à apaiser son malaise.
Pour les autres, nous autres, on pourrait se rappeler le titre d'un beau livre de l'historien Jean Delumeau : "L'aveu et le pardon". En deux mots, probablement la seule issue.
Pour les soignants aussi, une porte est ouverte. Ce serait de trouver en échange de toute forme de déloyauté à laquelle on a dû raisonnablement consentir, une contrepartie : en échange d'elle, plus d'attention, plus de parole, plus de précaution, plus de gentillesse, plus de douceur, plus de soin. C'est tout.