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Médecin en prison, avoir la force de s’indigner !
"En prison, la fréquence et la gravité de certaines pathologies comme la tuberculose ou les hépatites constituent un enjeu de ante publique. À l’heure où de nouveaux traitements vont permettre de traiter et de guérir les personnes infectées par le virus de l’hépatite C, il convient de se battre pour que les détenus bénéficient également de ces thérapeutiques innovantes."
Par: Anne Dulioust, Médecin Chef de Service de Médecine, Établissement Public de Santé National, Fresnes /
Publié le : 28 Avril 2014
Anne Dulioust est l'auteur de Médecin en prison, avoir la force de s’indigner !, Paris, Ed First, 2014.
Site de l'éditeur
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« On ne peut faire l'économie de la dignité humaine, à moins d'accepter et d'assumer l'indignité.1 »
L’exercice de la médecine dans une unité hospitalière carcérale au sein de l’établissement public de santé national de Fresnes a pour cadre un environnement très mal connu de la plupart des Français. Les principes d’humanité et de dignité conduisent les professionnels de santé à engager un combat pour défendre les plus précaires.
Les difficultés d’application de la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, sont évidentes. Il s’agissait dans ce texte de permettre aux personnes détenues dont le pronostic vital était engagé ou dont l’état de santé était incompatible avec la détention, de voir la peine qu’elles purgeaient suspendue pour une durée indéterminée et leur permettre ainsi de finir leurs jours en liberté. Le sort indigne réservé aux personnes âgées, interroge, lui aussi. Peu instruites, présentant ou non des altérations des fonctions cognitives, sans liens familiaux ni sociaux, sans avocat, leur situation rend difficile l’obtention de solution d’aval en particulier d’une place d’hébergement dans le secteur médico-social. Le constat est dramatique et les circonstances ne pourront qu’empirer si l’accroissement et le vieillissement progressif de la population carcérale se poursuivent.
Les obstacles rencontrés dans l’application de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, même lorsque le pronostic vital est engagé à très court terme, conduisent à des décès de personnes détenues en prison ou en unité sécurisée, certes entourés par un personnel compétent et dévoué mais sans l’accompagnement et la présence de la famille et des proches.
Si les personnes placées en détention provisoire sont exclues du bénéfice de la loi Kouchner, l’adoption, par l’ensemble du sénat le 13 février 2014 et sous les applaudissements, d’une proposition de loi dans laquelle les sénateurs suggèrent d’introduire dans le code pénal une procédure de mise en liberté des personnes placées en détention provisoire constitue une ouverture attendue.
En prison, la fréquence et la gravité de certaines pathologies comme la tuberculose ou les hépatites constituent un enjeu de santé publique. À l’heure où de nouveaux traitements vont permettre de traiter et de guérir les personnes infectées par le virus de l’hépatite C, il convient de se battre pour que les détenus bénéficient également de ces thérapeutiques innovantes.
Dans ce contexte, il importe de ne pas renoncer à l’obligation de respecter le libre arbitre des patients, même en cas de risques vitaux comme lors d’un refus de dialyse ou lors d’une grève de la faim très prolongée. Tout doit être mis en œuvre, y compris l’intervention de spécialistes de l’éthique, pour comprendre les motifs et tenter de convaincre les personnes d’accepter les soins. À Fresnes, l’équipe développe une réflexion afin que chacun puisse entendre que traiter un patient contre sa volonté est contraire à l’éthique et au respect de la dignité de la personne.
Il importe dans notre démocratie, comme nous avait invité déjà à le faire Véronique Vasseur2, d’avoir le courage de découvrir l’univers clos et parfois violent qu’est l’hôpital de Fresnes, mais également de saisir le sens du regard empathique que des soignants portent sur les patients qui se confient à eux. Nous ne devons pas oublier les détenus malades et âgés et nous mobiliser afin qu’ils soient traités avec dignité et humanité.