Notre Newsletter

texte

editorial

Territoire inconnu : Que souhaiter pour 2012 ?

Par: Patrick Lagadec, Directeur de recherche à l’École polytechnique (Département d’économie), membre de l’Académie des technologies, spécialiste des crises non conventionnelles /

Publié le : 14 Mars 2012

Chaque jour apporte ses tombereaux de mauvaises nouvelles, les dynamiques de dislocation surgissent sur tous les fronts. Et le monde médical n’est pas en reste entre Médiator et PIP. Que dire, si l’on ne veut pas tricher ? Trois pistes peut-être, pour tenter d’esquisser du sens, des repéres et des perspectives.

 

Dessiner de nouvelles cartes.

Toute notre cartographie d’intelligence et d’action a été conçue pour traiter de problémes techniques définis, circonscrits, indépendants, sans effets possibles sur les systémes globaux. Nous sortons de ce jardinet pour entrer dans l’ére du global et du chaotique. Nous n’avons pas les cartes, il va falloir inventer – et nous aurons besoin de l’intelligence de tous.
 

Éviter les récifs mortels

La tétanisation : chacun se replie sur ses bunkers. La provocation : comme si la confrontation au difficile déclenchait des pulsions d’indécence irrépressibles – « On sait bien que les hommes n’ont pas d’âme, si seulement ils avaient un peu de tenue » (Gottfried Benn). La dislocation : sous l’empire de la peur, on coupe les ponts, on détruit les liens, quand c’est l’inverse qui peut sauver. Il nous faut non du retrait solitaire, mais de l’action solidaire.
 

Ouvrir des routes inédites

Certes, il faudra conserver certaines régles habituelles, tenir le lien entre un passé qui ne répond plus et un futur qui ne se discerne pas encore. Mais surtout, inventer des repéres et des pratiques. Quelques pistes ?
Un leadership d’invention, loin du simple management certifié. Cela exigera des appuis en urgence absolue pour préparer à ces pilotages inventifs, alors que les contraintes ne cesseront de s’alourdir.
Tisser de nouvelles alliances, tendues vers de l’invention collective : au sein des organisations, avec les partenaires extérieurs, loin des régles d’autorité réifiées, des réorganisations incompréhensibles, des « usines à gaz » tueuses de sens comme de pertinence.
Respecter les innovations « par le bas » : c’est le pari sur la capacité des acteurs à inventer eux-mêmes des « inédits viables » selon le mot de Michel Séguier, intervenant sur des sociétés disloquées. Pareille vision « granulaire » sera décisive. Joshua Cooper Ramo dans son livre L’Age de l’impensable souligne qu’une bonne part de la réponse est précisément dans cette granularité qui nous est spontanément étrangére.
Explorons, inventons, expérimentons des possibles. Sans nier les réalités. Sans attendre que les difficultés nous submergent. Nous allons avoir besoin de facilitateurs, pour aider à ces naissances délicates.
Nous aurions tous les motifs de baisser les bras. Faisons plutôt ensemble le pari du positif. En reprenant ces lignes de Daniel Boorstin (Les Découvreurs) : « Les mots les plus prometteurs jamais écrits sur les cartes de la connaissance humaine sont bien Terra Incognita – territoire inconnu. »
Peut-être y aurait-il là quelques pistes pour parvenir tout de même à présenter des vœux qui fassent sens, et ouvrent des chemins féconds ?