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Soigner après la mort - Pratiques en chambres mortuaires

Un dossier thématique autour des rites, pratiques et relations liées à ce soin si particulier

Par: Espace éthique/IDF /

Publié le : 07 Août 2003

Ce dossier est accessible en intégralité. Pour le télécharger, merci de suivre via le lien situé à droite.

 

Sommaire du dossier

Introduction

Un moment de communication silencieuse
Protéger la vie : témoignage
 

Rites de la mort

Des rites pour se situer
Rites d'hospitalité en chambre mortuaire
La mort : regard rétrospectif sur les pratiques
 

La chambre mortuaire ou le temps de la transition

Pratiques en chambres mortuaires
Regard du médecin anatomo-pathologiste sur la chambre mortuaire : l'éthique médico-technique
Accueil du patient décédé
Le soin après le soin
La mise en bière : un geste délicat
La fermeture du cercueil
Un lien charnière, un lieu pivot
 

Espace et lieux des chambres mortuaires

Chambres mortuaires et conception architecturale
Resocialiser la mort au sein de l'hôpital
 

Conclusion

L'objet d'attentions particulières

Préface

Marc Dupont, Directeur d’hôpital, ancien responsable du Département des droits du malade, AP-HP

Les réflexions éthiques que les professionnels consacrent à leurs missions témoignent d’une compréhension nouvelle de la place des activités mortuaires en milieu hospitalier et de la conviction qu’elles ne peuvent plus longtemps demeurer méconnues — en quelque sorte reléguées aux confins des activités hospitalières —, comme une nécessité qui s’impose mais dont on voudrait bien se passer.

Le fait que l’hôpital reçoive les malades et les blessés les plus graves et que toute notre société (même si elle s’en défend en prônant les soins à domicile) se confie à ses équipes pour les derniers instants de la vie, rend en réalité anormal le déni de cette activité.
Il faut rendre hommage aux quelques pionniers — ils se reconnaîtront — qui ont su porter au cours de ces toutes dernières années la réflexion sur ce sujet et mettre en lumière le travail de qualité effectué discrètement, tous les jours, en chambre mortuaire. On doit tout autant remercier l’Espace éthique / AP-HP qui a constamment soutenu et accompagné cette évolution.
Car en effet, ce qui apparaît frappant est bien cette évolution, cette nouvelle façon de voir les choses, cette « sensibilité » nouvelle pour reprendre les mots des historiens des mentalités) que nous avons vue émerger sous nos yeux en quelques années et qui rappelle comment, à l’hôpital, d’autres sujets ont successivement pris la forme de l’évidence: l’accueil du nouveau-né au cours des années 1960 (la présence du père en salle d’accouchement, le bracelet de nourrisson, etc.) ; l’accueil de l’enfant autour de la circulaire du 1er août 1983 (le début des chambres mère/enfant et le droit des parents d’être pleinement présents dans l’unité de soins, le jeu et les loisirs de l’enfant à l’hôpital...) ; ou encore la définition et la promotion des soins palliatifs à partir des années 1984-1986.

Quelque chose de même nature s’est produit dans les années 1993-2003 dans nos chambres mortuaires : la formulation dans le cadre de la loi «Sueur» de 1993 (sur les opérations et pompes funèbres) du terme nouveau de « chambre mortuaire», désormais réservé à l’hôpital et distinct de la chambre funéraire; la volonté de confier (au moins partiellement) à des soignants les tâches mortuaires afin de les replacer dans la continuité des soins; tout un cycle de formation, renouvelé, au sein de l’AP-HP sur les pratiques professionnelles en ce domaine; et puis, des opérations très soignées d’aménagement des chambres mortuaires, dont la « salle des départs » de l’hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP (1996) est emblématique.

Deux réflexions me semblent importantes à souligner pour conclure: tout d’abord, une fonction apparaît enfin explicitement à l’hôpital — car, d’une façon ou d’une autre, elle y a toujours existé — avec un corpus de pratiques, de gestes et ses métiers. Beaucoup reste manifestement à construire et à définir en ce domaine, sur des sujets comme la toilette mortuaire, l’habillage et la présentation des corps, l’accueil et l’information des familles, etc. Le fait qu’autour de la mort s’expriment sous des formes parfois différentes les cultures ne fait qu’inviter à la réflexion et à la formalisation de bonnes pratiques professionnelles.
Par ailleurs, la promotion des soins et de l’accueil des familles post-mortem à l’hôpital devra probablement se mesurer, au cours des prochaines années, dans une définition des champs de compétence respectifs, avec les missions propres des opérateurs funéraires. Il faut rappeler sur ce point que la législation issue de la loi « Sueur » réserve en principe les opérations post-mortem aux opérateurs funéraires, pour une activité que la loi envisage à priori hors de l’hôpital.
Plusieurs exemples le montrent : la définition donnée par le Conseil d’État de la chambre mortuaire n’en fait qu’un lien très provisoire du dépôt des corps avant que les familles décident de leur devenir ; la levée de corps est en principe l’affaire des opérateurs funéraires ; les opérations de conservation des corps (thanatopraxie) ne peuvent être pratiquées par les personnels de l’hôpital, etc. Or les familles expriment généralement leur préférence pour que ce soit l’hôpital qui se charge de la conservation des corps…